La rémunération des pasteurs en Alsace-Moselle devant le Conseil constitutionnel
Une association de défense de la laïcité a déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), estimant contraire à la laïcité que les ministres des cultes protestants en Alsace-Moselle soient payés par l’État.
Pourquoi viser les pasteurs ?
Lors de l’audience du 14 février devant le Conseil constitutionnel, seule sera entendue l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (Uepal). Mais l’Association pour la promotion et l’expansion de la laïcité (Appel) visait en réalité initialement les quatre cultes reconnus (luthérien, réformé, catholique et israélite) dans les deux départements alsaciens et la Moselle. Elle a déposé en décembre deux QPC. La première, visant tous les cultes, n’a pas été retenue par le Conseil d’État. C’est la deuxième question qui a été retenue, visant uniquement les protestants, via l’article 7 des Articles organiques des cultes protestants de la loi du 18 germinal An X (8 avril 1802) sur l’organisation des cultes et qui précise qu’« il sera pourvu au traitement des églises consistoriales ».
Selon Jean-Marie Woehrling, directeur de l’Institut de droit local, il était difficile d’attaquer les cultes catholique (le Concordat étant une convention internationale) et israélite (afin d’éviter toute accusation d’antisémitisme).
Qui est cette association et quelle est sa motivation ?
L’Appel n’était pas une association connue jusque maintenant. Récemment créée, elle semble avoir pour seul but de soulever cette question juridique. Son siège est à Paris et son président se nomme Alain Cohen-Adad. Joint par La Croix, son secrétaire et en même temps l’un de ses avocats, Me Benjamin Dewhurst, n’a pas souhaité la présenter davantage. « Notre objectif n’est pas de viser un culte en particulier mais le régime concordataire, explique-t-il. Alors que les Français font des efforts, que diraient-ils s’ils savaient que leurs impôts payent le salaire de l’archevêque de Strasbourg ou du grand rabbin de Metz ? », affirme-t-il, se défendant de toute démarche vindicative, mais défendant une vision unifiée de la laïcité sur le territoire français.
Quelles peuvent être les conséquences ?
Le plus probable, selon Robert Herzog, juriste, bon connaisseur du droit local, est que le Conseil constitutionnel estime que le principe de laïcité n’est pas méconnu. S’appuyant sur 200 ans de renouvellement du droit local des cultes, sur la validation chaque année par le Conseil constitutionnel du budget de l’État et sur l’absence de définition légale de la laïcité, Jean-François Collange, président de l’Uepal, est également relativement confiant. « Dans le pire des cas, le Conseil constitutionnel pourrait empêcher de nouvelles embauches sous le modèle actuel », affirme-t-il.
Estimant que l’État étendrait alors ces modifications aux catholiques et aux juifs, par souci d’égalité, le chancelier du diocèse de Strasbourg, le P. Bernard Xibaut, « partage les espoirs et les angoisses de la communauté protestante ». Les instances catholiques et juives ont d’ailleurs déposé un mémoire au Conseil constitutionnel pour soutenir l’Uepal. Concernant la somme de 58 millions d’euros annuelle que représente l’emploi des 1393 salariés des cultes en Alsace-Moselle, dont 306 protestants, Jean-François Collange commente : « Combien l’État verse-t-il aux clubs sportifs ? Nous sommes un facteur de paix sociale, des stabilisateurs sociaux », justifie-t-il.