Impossible d’imaginer une investiture présidentielle américaine sans bible, sans prière et sans pasteur, d’autant que le thème choisi cette année par la Maison Blanche est « foi dans l’avenir de l’Amérique »… La cérémonie qui se déroule aujourd’hui 21 janvier à Washington n’échappera donc pas à la règle. Pour son deuxième mandat, le président Barack Obama aura prêté serment sur pas moins de trois bibles : la première, ayant appartenu à la grand mère de Michelle Obama, a été utilisée dimanche pour une cérémonie privée, le choix de cette bible visant à honorer les familles américaines et leur volonté d’offrir un meilleur avenir à leurs enfants, selon la commission inaugurale.
Puis, aujourd’hui, à l’occasion de la cérémonie officielle, Barack Obama jurera sur deux bibles, posées l’une sur l’autre : celle d’Abraham Lincoln, comme lors de sa première cérémonie d’intronisation en 2009, et celle du révérend Martin Luther King, puisque l’Amérique celèbre aujourd’hui le « Martin Luther King’s day », ainsi que le 150ème anniversaire de la déclaration d’émancipation des Noirs par Abraham Lincoln, et enfin, l’inauguration, toujours en 1863, d’une statue de la liberté qui trône au Capitole. De même, toujours pour marquer la lutte des Afro-Américains, c’est Myrlie Evers-Williams, veuve du leader des droits civiques Medgar Evers, assassiné en 1963 devant chez lui, dans le Mississippi, qui fera une première «invocation».
Autre fait historique, ce sera la première fois qu’une femme, et qui ne fait pas partie du clergé, de surcroît, dira cette prière. Toutefois, ce n’est pas cette décision qui a soulevé la polémique. C’est le choix du pasteur qui devait clore la cérémonie par une bénédiction.
Anti ou pro-gay
Dans un premier temps, la Commission inaugurale avait porté son choix sur Louie Giglio, un pasteur évangélique qui officie dans une de ces « mega-churches » à l’américaine, la Passion City Church d’Atlanta. Sélectionné pour ses efforts visant à combattre le trafic d’êtres humains (il a levé ces dernières années plus de 3 millions de dollars à cet effet), ce sont les positions anti-gays de Louie Giglio, débusquées par les médias, qui l’ont rattrapé. Il y a une quinzaine d’année, le pasteur incitait en effet ses milliers de paroissiens à « réagir fermement aux méthodes agressives de certains dans la communauté gay », pour conclure que le « mariage pour tous » ne ferait que saper les fondements de la société… Louie Giglio s’est désisté dès le lendemain de la vague médiatique, déclarant que sa participation serait «minimisée par ceux qui voudraient faire de la polémique le point central de l’investiture ».
Du coup, c’est Luis Léon, le pasteur d’une église episcopale voisine de la Maison Blanche, la Saint John’s Church, où les Obama assistent à la messe du dimanche, qui prononcera la bénédiction. Un deuxième choix, donc, mais qui a plusieurs vertus, dont celle de mettre à l’honneur l’électorat hispanique, lequel a largement participé à la réélection d’Obama en novembre dernier. Au delà d’être pro-gay (son église les accueille sans discrimination et a annoncé cet été qu’elle bénirait leurs unions, d’autant qu’elle a des pasteurs homosexuels et a même eu un évêque gay dans le passé), Luis Leon incarne la success story tels que les Américains en raffolent. Arrivé à 12 ans aux Etats-Unis en provenance de Cuba où il avait déjà entamé son « voyage vers la foi », comme disent ses supporters, seul et sans un sou, il a réussi à obtenir un « Master in Divinity » d’une université théologique de Virginie, puis a officié dans plusieurs églises, jusqu’à celle de Saint John’s, à Washington.
Bis repetita
La polémique est donc terminée. Cependant, ce n’est pas la première fois que le président Obama ou son entourage se fourvoient en matière de pasteur. Ainsi, les supporters des droits homosexuels s’étaient émus du fait que ce soit le révérend Rick Warren qui ait été choisi pour faire l’invocation lors de la première cérémonie d’investiture, en 2009. Warren, un évangélique, ne fait en effet pas mystère de son opposition au mariage gay. Avant cela, en 2008, les Obama avaient dû finalement se distancier de Jeremiah Wright, le pasteur noir qui les a mariés et a baptisé leurs deux filles et qu’ils connaissaient depuis des années à Chicago, en raison de ses commentaires tous azimut sur la façon dont les gouvernements successifs ont traité les Noirs ou sur la politique étrangère américaine, qui aurait été responsable des attentats du 11 septembre 2001. Des sermons enflamés, où il est allé jusqu’à dire « God damn America »…
Ce 21 janvier, ce sera « God bless America », c’est sûr, que les Américains entendront, pour leur plus grand soulagement.