Séance de prière
Comme je l’avais déjà dit ici, je suis catholique. Romain. La précision en vaut la peine. Catholique, mais pas pratiquant. Bien sûr, je crois en l’existence d’un être supérieur, en un Dieu. Il et vrai que mon esprit cartésien remet en cause certaines des œuvres qui lui sont attribuées, mais étant convaincu que rien n’arrive pour rien (et que forcément une force supérieure contrôle tout ça), je crois en Dieu. Mais moi je suis pour une croyance en Dieu sans intermédiaires et c’est en cela que je remets en cause la religion. La religion catholique romaine a ses tares. Elle a « dirigé » le monde à une certaine époque – et ce pas de la meilleure des manières. Les scandales surviennent tous les jours, avec les écarts de propos du Pape et les déviances de ses lieutenants partout dans le monde. Mais de toutes les religions chrétiennes, elle est celle qui a mes faveurs. Parce que c’est d’elle que part toute la cacophonie et le tohu-bohu dont nous sommes témoins en ces « derniers jours », pour paraphraser une certaine confession religieuse.
Entre ceux qui disent que Jésus a été crucifié, ceux qui disent qu’il a été cloué à un poteau, ceux qui disent que Marie est resté vierge pendant toute sa vie (il faut comprendre là qu’elle n’a jamais rempli son devoir conjugal) et ceux qui disent que le Christ avait des frères (les fils Marie, donc), entre ceux qui disent que c’est à Rome que Pierre est allé créer l’église de Jésus et les autres qui disent qu’il n’y a jamais mis les pieds, on ne se retrouve plus. L’être humain est divers et ondoyant. Il a pris la Bible, l’a lue et en a tiré ce qui lui convenait. Conséquence : la multiplicité des églises chrétiennes. Et l’essaimage de ce qu’on appelle chez nous les « églises réveillées ». Beaucoup d’entre elles ne basent toute leur idéologie que sur un passage de quelques mots, ledit passage souvent joyeusement sorti de son contexte.
L’âme pauvre et contrite, en mal d’espoir, s’y agrippe. Ce qui donne des bizarreries comme celles du Cameroun où toutes les salles de cinéma se sont muées en églises. Ces lieux de divertissement où les gens venaient démontrer leur joie de vivre sont ceux où les mêmes viennent aujourd’hui implorer les grâces qui devraient leur permettre de sortir de leur misère. Voilà un vrai symbole de déchéance. La vraie magie c’est le travail, mes amis. Un monsieur qui a mon estime nous a raconté une histoire : « Moi, j’ai commencé à mettre des distances entre la religion et moi quand j’étais au cours moyen deuxième année. Nous étions en examens. Je n’avais pas révisé mes maths. Trente minutes avant le début de l’épreuve dans le but d’implorer le Dieu de faire un miracle, je me suis rendu à l’église. Je me suis mis à genoux, j’ai joint les mains, je me suis prosterné. J’ai sursauté de mon sommeil deux heures de temps après. Dieu m’a passé un message que je n’ai jamais oublié » .
Les salles de fêtes ne sont pas en reste. Sur le chemin que j’emprunte chaque jour pour vaquer à mes occupations, une salle de fêtes chère à mon souvenir, puisque j’y étais allé pour un mariage et que lors de cette soirée, je frôlai pour la première fois de ma vie le coma éthylique, s’est muée il y a moins d’une année en église. Aujourd’hui, quand je passe devant en fin d’après-midi, elle est bondée. Il se dit que pour les célébrations qui débutent à 19 heures, il n’y a déjà plus de places à 17 heures. A la télé, on ne compte plus les chaînes qui diffusent à longueur de journée les prêches de pasteurs en costume cravate qui font tout vaciller du simple toucher.
Il y a quelques mois, je me suis retrouvé bien malgré moi dans une sorte d’itinérance religieuse. J’étais devenu un vrai chercheur de Dieu. Pour la première fois, je mis les pieds dans une église réveillée. On dit que la valeur n’attend pas le nombre d’années, mais je commençai à avoir des doutes sur la crédibilité de ces gens quand je me rendis compte que le prophète devant lequel on s’est prosternés pendant 4 heures de temps – un comble pour moi qui trouve déjà les 1 heure 30 de la messe catholique horriblement longues – n’avait même pas mon âge. Où il avait acquis ce statut de « prophète » ? Dans une pochette surprise ? Je n’y remis plus jamais les pieds.
Les pasteurs de ces églises réveillés sont des brigands. Des bandits de grand chemin. Des usurpateurs. Et au sein de ces églises règnent des guerres d’influence et de positionnement d’une violence que le commun des mortels ne peut même pas imaginer.
Autre église, autre pasteur (ou prophète), autres magouilles. Celle-là, je l’avais fréquentée assez assidûment. 5 fois. La dernière fois que j’y suis allé, on m’annonce : « aujourd’hui, ce n’est pas le pasteur N. qui officie, mais le prophète lui-même. Il s’est déplacé exprès de Yaoundé pour nous révéler des choses. Dieu est grand ». On a tant parlé de ce prophète. Je vais enfin le voir. Sur l’estrade, monte un homme, la trentaine, dreadlocks crasseux sur le crâne, le visage buriné, les joues creuses, une chemisette à la propreté douteuse ouverte sur le thorax, pantalon jean du même acabit et baskets. Je pensai que c’était une sorte de chauffeur de salle, jusqu’à ce qu’à stupéfaction totale, je me rendis compte que c’était lui LE prophète. A la fin de la célébration, comme il faut dans ces églises toujours serrer la pince au célébrant, je vais vers le prophète et il me dit d’un accent congolais: « Mon fils (hein, moi ton fils ?) il faut que tu me voies après le culte de dimanche matin. J’ai de grandes révélations pour toi ». J’ai une corpulence trompeuse, l’indice de masse corporelle élevé, qui me donne l’apparence d’un gars « ayant un peu ». Alors que plus fauché, y en a pas. L’habit ne fait pas le moine. Mais si l’habit ne fait pas le moine, le moine c’est aussi son habit. Avec sa dégaine de voyou fumeur de chanvre qu’on croise tous les jours dans nos rues, ce « prophète » ne pouvait être pris au sérieux que par des esprits vraiment crédules. Aux dernières nouvelles, le « prophète » aurait pris la clé des champs avec la coquette somme de 3 millions de nos francs, destinés à l’église. Il se raconte même qu’on l’a aperçu dans un club à Yaoundé avec des petites en train de manger la vie.
Troisième lieu, autre déception. Le pasteur ici est d’âge mur, respectable. Toujours tiré à quatre épingles. Je commençai à avoir des doutes sur le personnage quand dans ses homélies, il avouait qu’avant de recevoir l’appel divin, il était un bon vivant. Il rentrait toujours saoul chez lui. Parfois d’ailleurs, il ne rentrait pas. Et par malheur pour sa femme, quand il mettait les pieds chez lui, la pauvre subissait son courroux. Mais jusque là, ce n’était pas très grave. On peut toujours se racheter. Sa crédibilité vacilla quand il expliqua un autre jour les techniques qu’il utilisait pour espionner les fidèles. Et ce peu de crédit vola en éclat le jour où je le croisai à un séminaire sur le marketing de réseau. Vous savez, ces boîtes où on vous promet la richesse vite faite et par millions. Donc, la richesse du Saint Esprit ne lui suffisait pas.
Hier, j’ai appris qu’un pasteur d’une église éveillée de la ville était recherché. On avait découvert que l’eau bénite qu’il faisait boire à ses ouailles était en fait droguée. Ce qui avait pour but de les rendre plus dociles, facilement tombants, lors de ses cérémonies de délivrance.
Où est ce que j’en suis ? Une ancienne amoureuse, avant de me plaquer, avait eu la lumineuse idée de m’offrir une Bible. Je m’en sers quand le besoin de Dieu se fait sentir. Moi j’ai décidé de lui parler directement, sans intermédiaires. Je suis catholique, mais pas pratiquant. Le Pape et l’église qu’il dirige sont contre l’homosexualité. Soit, c’est leur avis et on respecte. Mais je suis catholique et beaucoup moins pratiquant depuis le jour où je fus la cible des désirs libidineux d’un prêtre catholique (et donc prétendument opposé à l’homosexualité) qui voulait mettre à mal le vœu de chasteté qu’il avait sûrement fait avant de débuter son ministère.
Par René Jackson