Le rabbin, le curé et les pasteurs : des héros américains
par Mylène Sebbah
Le 3 février 1944, 9 Chevat 5704, le rabbin Alexandre D. Goode, aumonier de l’armée américaine est à bord d’un navire, le Dorchester.
Le bateau est frappé de plein fouet par une torpille allemande.
Il coule rapidement, selon le témoignage des hommes qui ont survécu.
Goode, de concert avec ses collègues, le pasteur méthodiste, George L. Fox, le prêtre catholique, John P. Washington, et le pasteur de l’église réformée hollandaise, Clark V. Poling, joignent leurs mains et prient ensemble.
Alexander David Goode, né le 10 mai 1911, est le fils du rabbin Hyman Goodekewitz.
Après un cursus scolaire et universitaire classique, il se tourne en 1937 vers des études rabbiniques au sein du judaïsme réformé. En 1941, en tant que rabbin à York, en Pennsylvanie, il fonde la première troupe de scouts pluralistes aux États-Unis ; elle comprenait des garçons noirs et blancs de différentes origines religieuses.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, il demande à s’engager comme aumônier militaire et c’est à l’école des aumôniers de l’Armée à l’Université Harvard qu’il rencontre le pasteur Fox.
Il demande son affectation dans une unité de combat et est assigné sur le Dorchester dans une base navale américaine au Groenland.
Le 23 Janvier 1943, le Dorchester, un bateau à vapeur civil de 5600 tonnes, reconverti en bateau militaire, part de Boston vers le Groenland, avec trois garde-côtes et deux autres navires de transport.
C’est peu après minuit le 3 février qu’un sous-marin allemand tire cinq torpilles sur le convoi.
Quand le bateau commence à couler, douze de ses quatorze canots de sauvetage sont aussitôt mis hors d’état.
En moins d’une demi-heure, le Dorchester est complètement immergé alors même que les hommes n’ont pas encore compris la gravité de la situation.
Les quatre aumôniers, Goode, Fox, Washington et Poling, sont calmes.
Selon les survivants, ce sont même eux qui aident les hommes, les guident vers les deux canots restants et leur en montrent le fonctionnement.
Tous les quatre remettent d’un même mouvement leurs propres gilets de sauvetage aux soldats qui en sont dépourvus. Nul ne sait s’ils s’étaient concertés à l’avance ou si le geste leur venu ensemble, d’un même élan.
Le soldat William B. Bednar se souvient de leurs voix, posées et rassurantes, dans le concert “des hommes qui pleurent, supplient et prient. Leurs voix étaient la seule chose qui ne m’a pas lâché”.
Un autre survivant, John Ladd, dit avoir vu leurs quatre bras enchevêtrés quand le navire a disparu sous la surface de la mer. “C’est la plus belle chose que j’ai vu ou espéré voir de ce côté-ci du ciel”, se confie-t-il.
Le Dorchester transportait 904 hommes. Les navires des garde-côtes ont pu sauver 230 hommes mais 674 d’entre eux sont morts cette nuit-là, En 1951, le président Harry S. Truman consacre à Philadelphie une chapelle à la mémoire des quatre aumôniers,héros de la Nation américaine.
Après la guerre, on découvrira que les Allemands avaient “craqué” les codes des forces navales alliées, et savaient donc que les six navires faisaient cap sur le Groenland.