Les Sages du Conseil constitutionnel ont déjà tranché : mais leur décision ne sera publiéeen principe que demain matin. Elle dira si, oui ou non, un petit bout de texte de 1802 est conforme à la Constitution de 1958.
Il s’agit de l’article VII de la partie consacrée au culte protestant dans les articles organiques que Napoléon annexa au concordat en 1802. Concrètement, cet article porte sur la rémunération des pasteurs – l’équivalent de ce que dit le concordat de 1801 pour les prêtres catholiques.
Pour l’APPEL, la laïcité est bafouée en Alsace-Moselle
Il est abrogé en France « de l’Intérieur », mais il fait partie du droit des cultes d’Alsace-Moselle, où la Séparation de 1905 n’a jamais existé et n’a donc jamais effacé le système concordataire napoléonien.
La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été posée par l’association pour la promotion et l’expansion de la laïcité, l’APPEL. Elle estime que la République ne doit subventionner aucun culte – ce que dit la loi de 1905 – et que c’est une règle essentielle du principe de laïcité. À ses yeux, ce strict principe est bafoué en Alsace-Moselle où sont dépensés, au titre du concordat et des articles organiques, 58 millions d’ € pour soutenir les cultes catholique, protestants et juif, et notamment payer prêtres, coopérateurs laïcs, pasteurs et rabbins.
Le Conseil constitutionnel, dont l’audience a eu lieu le 12 février, peut adopter plusieurs positions.
Soit il donne raison à l’APPEL, sur toute la ligne, en définissant de façon serrée la laïcité. Ce serait un coup de tonnerre pour les cultes d’Alsace-Moselle. Car d’autres QPC, suivant le même raisonnement, pourraient détricoter tout le droit local des cultes.
Soit il « botte en touche », estimant la question mal posée. Par exemple parce que l’article VII a été remplacé par une loi allemande de 1909 intégrée au droit français après la Grande guerre. Ce ne serait qu’un délai.
Soit il estime l’article VII conforme à la Constitution. Pour cela il pourrait utiliser le « principe fondamental reconnu par les lois de la République » qu’il a déjà dégagé pour le droit local. En clair, un concept de droit qui veut que quand un grand texte ancien a passé la barre des Constitutions de la IVe et de la Ve République, c’est qu’il s’appuie sur un principe, même non-écrit, quasi-constitutionnel. C’est ainsi qu’ont été définies par exemple la liberté d’association ou la liberté de l’enseignement.
En 2011, le Conseil constitutionnel a estimé qu’un tel principe protégeait le droit local, mais lui interdisait aussi de s’étendre à de nouveaux domaines. Ce « rempart juridique » va-t-il resservir pour sauver l’article VII ?