L’Etat laïc peut continuer à rémunérer prêtres, pasteurs et rabbins en Alsace et Moselle, a estimé jeudi le Conseil constitutionnel, pour qui les pères de la Constitution ont souhaité préserver le “régime concordataire” spécifique à ces départements, hérité de l’histoire.
L’Etat laïc peut continuer à rémunérer prêtres, pasteurs et rabbins en Alsace et Moselle, a estimé jeudi le Conseil constitutionnel, pour qui les pères de la Constitution ont souhaité préserver le “régime concordataire” spécifique à ces départements, hérité de l’histoire.
Saisis par une association de défense de la laïcité qui dénonçait le principe de cette rémunération, les Sages ont considéré qu’aussi bien en 1946 qu’en 1958, les constituants n’avaient “pas entendu remettre en cause” la rémunération des ministres du culte par l’Etat dans les départements alsaciens du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, ainsi qu’en Moselle.
Dans ces trois départements, les cultes relèvent du régime dit “concordataire”, datant de l’époque napoléonienne, qui a été supprimé dans le reste de la France par la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Cette loi n’a jamais été appliquée dans les départements d’Alsace et en Moselle, qui étaient allemands en 1905.
L’Association pour la promotion et l’expansion de la laïcité (APPEL), à l’origine de cette procédure, avait saisi la justice en estimant que la spécificité alsacienne était contraire à l’article 1er de la Constitution, lequel stipule que la France est une République “laïque”.
Pour des raisons de “technique juridique”, l’offensive de l’APPEL visait uniquement la religion protestante, mais son représentant et avocat, Me Jean-François Amedro, n’avait pas caché que, sur le fond, elle visait aussi les autres cultes reconnus, à savoir le catholicisme et le judaïsme.
“Quel est l’intérêt général justifiant la rémunération d’un curé ou d’un pasteur pour diriger une messe?” avait demandé Me Amedro lors de l’audience portant sur cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le 12 février. La nécessaire neutralité de l’Etat en matière religieuse “exclut toute forme de soutien financier, qui s’analyse nécessairement comme une prise de position sur la valeur d’un culte”, avait-il plaidé.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a certes considéré que, du fait de sa laïcité proclamée dans la constitution, la République “ne salarie aucun culte”. Toutefois, “il ressort des travaux préparatoires” aux projets de Constitution de 1946 et de 1958 que leurs pères ne souhaitaient pas remettre en question ce type de spécificités locales, ont souligné les Sages, qui ont donc rejeté la QPC.
“Nous sommes soulagés”, a réagi le président des Eglises protestantes d’Alsace et de Lorraine, Jean-François Collange, interrogé par l’AFP.
“Mais nous prenons cette offensive comme un avertissement sérieux qui doit nous amener à réfléchir à une stratégie préventive, car il y aura sans doute d’autres attaques” contre le régime concordataire, a ajouté le responsable protestant, qui doit rencontrer vendredi ses homologues catholique et juif pour examiner ce dossier.
Dans le camp de militants de la laïcité, en revanche, Me Amedro s’est dit “déçu, évidemment, quoique pas entièrement surpris” par les arguments avancés par les Sages.
Il juge toutefois “très positif malgré tout que cette QPC ait donné l’occasion au Conseil constitutionnel de préciser la portée du concept de laïcité, en dehors de l’Alsace-Moselle”.
Le budget 2013 de l’Etat prévoit 58 millions d’euros pour rémunérer les quelque 1.400 ministres du culte (1.059 prêtres, 306 pasteurs et 28 rabbins) dans les trois départements concernés. L’APPEL souligne que cette somme est financée par tous les contribuables français, et non par les seuls Alsaciens et Mosellans.
Ce régime local des cultes fait l’objet d’un assez large consensus dans la région, où il est défendu par la droite comme par la gauche.