Neuvième épisode de notre série de l’été spéciale sur les maîtres spirituels. Découvrez ici les portraits exclusifs de personnalités religieuses du monde entier.
1°, Heidi Baker, la “soeur Emmanuelle” des évangéliques
2°, Ovadia Yossef, une autorité rabbinique charismatique et un leader controversé
3°, Mgr Louis Portella Mbuyu, l’évêque congolais qui dit non
4°, Dadiji, une certaine pratique de l’hindouisme
5°, Daniel Bourguet, l’ermite protestant de Saint Jean du Gard
6°, Yisrael Meir Lau, l’enfant de Buchenwald passe le relais
7°, Shane Claiborne, le chrétien qui occupe Wall Street
8°, Mohammed Sa’ad Abubakar, le sultan qui résiste à Boko Haram
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Après Jésus, le Coréen David Yonggi Cho, 77 ans, est sans doute le meilleur exemple à suivre pour des milliers de pasteurs. Avec son allure un peu guindée, ses larges lunettes carrées et son sourire inaltérable, il reste le fondateur de la plus grande Eglise chrétienne au monde, l’Eglise du Plein Evangile, à Séoul, en Corée du Sud.
L’Eglise possède une maison d’édition, un journal, une chaîne de télévision et un centre de formation théologique. 700 000 fidèles se pressent aux sept cultes dominicaux dont deux sont assurés par David Yonggi Cho. Depuis la fin des années 1950, le Plein Evangile connaît une croissance exponentielle épousant le développement économique fulgurant de la Corée du Sud. Au commencement, ils étaient deux dans un salon, David Yonggi Cho et sa belle-mère.
Né en 1936, dans une famille bouddhiste, David Yonggi Cho se convertit au protestantisme évangélique à 17 ans après avoir guéri miraculeusement de la tuberculose. Il célèbre son premier culte chez sa belle-mère qui devient sa proche collaboratrice. Le jeune converti suit des études de théologie tout en assurant la traduction simultanée de prédicateurs américains de passage.
Le nombre de fidèles de cette « Eglise de maison » se met à croître alors que les premiers membres se lancent dans du porte-à-porte pour atteindre les non-chrétiens. Au début des années 1960, devant le manque récurrent de place, David Yonggi Cho élabore ce qui deviendra la recette du succès de l’Eglise du Plein Evangélique : la multiplication des groupes de prières. Le pasteur découpe la ville de Séoul en vingt zones qui sont autant de « cellules ». Au centre de chacune, il implante un groupe de prière hebdomadaire chez un fidèle. Dès que le groupe atteint douze membres, il est subdivisé pour former un nouveau groupe de prière, chez un autre particulier, le tout est à l’image de la démultiplication cellulaire. A la tête de chaque groupe, le responsable de l’étude biblique forme un adjoint qui, à son tour, deviendra le responsable d’une future cellule. En 1961, un premier auditorium de 1500 places est acquis pour les cultes.
« Au début, son Eglise était une Eglise pour les pauvres puis elle est devenue une Eglise pour tous, explique Nathalie Luca, ethnologue et spécialiste de la Corée du Sud. Devant la nécessité de former des responsables, les femmes ont rapidement exercé les mêmes responsabilités que les hommes notamment en commentant les textes bibliques. » En 1973, une nouvelle étape de la croissance de l’Eglise est franchie avec l’inauguration de la Montagne de prière. Ce lieu de retraite spirituelle permet à des milliers de pèlerins de se retirer dans des bungalows individuels.
Pasteur des Assemblées de Dieu (ADD), l’une des principales dénominations évangéliques au monde, David Yonggi Cho prêche l’action du Saint Esprit, les guérisons miraculeuses et la théologie dite « de la prospérité ». Cette doctrine valorise les possessions matérielles vues comme autant de bénédictions divines. Si un fidèle est béni de Dieu, il doit donc être riche. S’il est riche, c’est bien qu’il est béni de son Dieu. « Dans les années 1990, poursuit Nathalie Luca, les fidèles de l’Eglise du Plein Evangile devaient devenir propriétaire de leur maison et ce dans les trois prochaines années. Ce discours brutal, qui a aujourd’hui mauvaise presse, a pourtant épousé l’histoire de la Corée du Sud jusqu’à la crise économique de 1997. C’était aussi une façon de se démarquer de la Corée du Nord. »
En France, Yonggi Cho a des fans. Franck Lefillatre, pasteur de l’Eglise évangélique Paris Bastille a reçu le bras droit de Yonggi Cho en 2013 pour deux jours de conférence. « 700 personnes étaient présentes, des pasteurs, des fidèles mais aussi des non-croyants. Cette Eglise est un modèle de croissance » revendique-t-il tout en minimisant la place accordée à la théologie de la prospérité.
Ce n’est pas le point de vue d’Olivier Raoul-Duval, pasteur de l’Eglise protestante unie de France qui s’est rendu deux fois à Séoul depuis 2007 à l’invitation de l’Eglise presbytérienne de Corée. « Je garde un souvenir mitigé de l’Eglise du Plein Evangile car je ne suis pas d’accord avec la théologie de la prospérité. Selon moi, c’est une Eglise immense où l’individu peut se sentir noyé dans le collectif. Pourtant, elle est vivante, joyeuse, chaleureuse et, visiblement, l’Esprit Saint agit. »
En 2011, David Yonggi Cho est accusé de détournement de fonds au profit de son fils par des cadres de l’Eglise. Diffamation ou redressement fiscal, il demeure que son entreprise ecclésiale reste la plus grande réussite mondiale de l’après-guerre.