Il se dit «retraité non pratiquant». Une belle preuve d’humour pour celui qui a été durant trois ans modérateur de la Compagnie des pasteurs et des diacres. Mais il faut dire qu’Olivier Labarthe déborde d’activités. Il constitue ainsi la cheville ouvrière d’un projet qui se verra évoqué aujourd’hui jeudi 26 septembre à la Bibliothèque de Genève (BGE). «Les secrets révélés» de ladite Compagnie feront en effet l’objet d’une soirée avec «accueil», discours et «remerciements» dès 18 heures 15. La totale.
Mais que célèbre-t-on, au fait? Trois choses à la fois. Liées et distinctes. Aujourd’hui éditeur des œuvres imprimées du réformateur Guillaume Farel (1489-1565), qui exerça à Genève, puis à Neuchâtel, Olivier Labarthe parle très bien de ce trio. Je lui donne donc la parole.
Quels sont donc les chantiers dont la BGE célèbre l’achèvement?
Il y a d’abord la publication des registres de délibérations. Nous sommes partis de la mort de Jean Calvin, en 1564. Nous arrivons aujourd’hui au volume 14, qui se termine en 1619. Une date importante. Il s’agit de celle du Synode de Dordrecht. Une sorte de concile qui a vu entre-déchirer les protestants hollandais. Notre Consistoire suivait les débats avec la plus grande attention.
Mais les registres ne s’arrêtent pas en 1619!
Depuis lontemps déposés aux Archives d’Etat, dans la mesure où ils sont liés d’une certaine manière à ceux des Conseils de la République, ils vont effectivement jusqu’en 1848. Seulement voilà! Les publier aux éditions de la Librairie Droz coûte cher. Les volumes, qui comptent passé 650 pages chacun, se vendent très difficilement. Il s’agit d’un travail d’érudition, que le Fonds national n’entend plus subventionner. Il a aujourd’hui peur des entreprises de trop longue haleine. Nous en resterons donc là.
Quel est le second chantier?
La restauration de ces manuscrits. Propriété de l’Eglise protestante, ils ont été beaucoup consultés. Ceux qui font des recherches, puis des thèses, sur la Genève de l’Ancien Régime ne peuvent pas s’en dispenser. L’Eglise et l’Etat restaient alors très imbriqués. Pensez que les deux entités ne se sépareront vraiment, après votation populaire, qu’en 1907. Au fil des décennies, les livres se sont donc abîmés. Ils ont souffert de l’humidité actuelle des Archives. Il fallait les sauver. L’Eglise a donc constitué une fondation ad hoc, présidée par Albert-Luc de Haller. Il fallait passer là pour pouvoir solliciter des mécènes. Ce sont toujours les mêmes qui répondent. Nous avons donc reçu les 500.000 francs voulus de la Loterie romande et de la Fondation Wilsdorf.
Pour quoi une telle somme?
D’abord pour des travaux techniques. Pour certains volumes, il suffisait de consolider une reliure. Pour d’autres, il fallait tout reconstituer, page après page. Ce travail s’est effectué dans les ateliers de la Terrassière. Il est vraiment très réussi. Le but était cependant de ne pas continuer à laisser les originaux se détériorer. Nous avons donc mis en ligne, sur le net, la totalité des textes. Les étudiants et doctorants n’auront plus besoin, sauf cas exceptionnels, d’accéder aux 52 volumes. Reste, par rapport à l’édition Droz, une difficulté majeure. Pour les lire, il faut se montrer capable de déchiffrer une graphie ancienne.
Vous avez parlé d’un troisième chantier.
Il s’agit de l’inventaire des manuscrits de la Compagnie, qui ont été remis à la BGE et non aux Archives d’Etat. L’Eglise a voulu mettre l’institutionnel avec l’institutionnel et le personnel avec les fonds de la Bibliothèque, les images allant au Centre d’Iconographie genevoise. Il manquait toujours une liste complète. Bien faite. C’est Paule Hochuli Dubuis qui s’est chargée de cette tâche.
Pour quelle raison dire «les secrets révélés»? Ce n’est tout de même pas «Da Vinci Code» ou «Les Borgia» à la télévision!
Parce que toutes ces délibérations, qui restaient jadis secrètes, se retrouvent aujourd’hui dans le domaine public. Il y a là une barrière qui tombe.
Vous avez choisi, pour le luxueux carton d’invitation, une photo très 1900, où l’on voit beaucoup de messieurs barbus, dont l’un ressemble à Landru.
Ce sont les pasteurs en 1905. Chacun d’eux fait partie de droit de la Compagnie. Elle forme en quelque sorte son syndicat. La date choisie ici n’est pas fortuite. En 1905, l’Eglise divorce de l’Etat en France. Genève va bientôt suivre. Ce sont les témoins de la fin d’un monde.
Pratique
«Les secrets révélés de la Compagnie des pasteurs», Bibliothèque de Genève. 1, promenade des Bastions, Genève, le jeudi 26 septembre à 18 heures 15. Site www.ville-ge.ch/bge, www.geneve.ch/archives, www.unige.ch/ihr Tél. 022 418 28 00. Photo (DR). La Compagnie des pasteurs vers 1900. Il s’agit ici d’une autre image que celle ornant le carton d’invitation.
Prochaine chronique le vendredi 27 septembre. L’Elysée présente à Lausanne Salgado, pour lequel sort un livre “sumo” de Taschen. Qu’est-ce qu’un photographe vedette?
Publié le 26 Septembre 2013 à 7:48