François, pasteur, patron et priant
Un pape pasteur. C’est sa dimension la plus connue, la plus spectaculaire. Celle de l’évêque de Rome que le monde entier a découvert dès le soir de son élection à la loggia de la basilique Saint-Pierre, d’où il a, pour reprendre ses termes pastoraux, commencer le chemin avec le peuple. Le pasteur, c’est ce qu’illustre le berger portant sa brebis sur les épaules gravé sur sa croix pectorale. « Que les pasteurs sachent être devant le troupeau pour indiquer la voie, au milieu du troupeau pour le maintenir uni, derrière le troupeau pour éviter que quelqu’un ne reste en arrière », conseillait le pape aux nonces apostoliques le 21 juin dernier. Lui se porte ainsi tantôt à l’avant, comme à Assise le 4 octobre ; tantôt au milieu, comme aux JMJ de Rio ou chaque mercredi place Saint-Pierre ; tantôt à l’arrière, comme auprès de ceux qu’il réconforte en leur faisant la surprise d’un coup de téléphone.
Un patron. Cet aspect propre à Jorge Mario Bergoglio est moins connu de l’extérieur mais bien ressenti au Vatican, où le nouveau pape est craint comme un chef d’entreprise. Apprécié aussi pour être plus directement accessible mais décrit aussi, par tous ceux qui l’ont approché, comme redoutablement déterminé. Lorsque le pape se rend à deux reprises les 7 et 8 octobre sans escorte – et sans prévenir – à une réunion au siège du Synode des évêques sur la via della Conciliazone, il fait preuve de la simplicité, qu’il voudrait diffuser dans toute l’Église, et aussi d’autorité. Par ses nominations, ses procédés de canonisation, ses nouvelles commissions, il montre à ceux qui redouteraient qu’il dévalorise sa fonction qu’il en connaît et en utilise tous les ressorts.
Un priant. « Priez pour moi ». Si le pape jésuite formule si souvent cette demande, c’est aussi parce que lui prie énormément. Avec intensité. C’est sa dimension la plus intérieure. Il suffit de voir la grande silhouette de ce religieux qui se définit d’abord comme pêcheur venir, après la messe matinale à la maison Sainte-Marthe où il loge, s’asseoir sur le côté des bancs de cette modeste et moderne chapelle, comme Rome en compte peu, et s’absorber dans la prière. Le pape sait aussi conduire les fidèles, comme un prieur. A la veillée du 7 septembre pour la paix ou au soir de son élection. Mais la prière conduit aussi sa vie. Dans la dernière question de son long entretien aux revues jésuites, il détaille sa façon de prier, du matin au soir. Comme l’observent d’autres à Rome, le pape François sait très bien où il doit changer les choses -le pré-conclave lui en a fait comme un mandat- mais sans toujours savoir comment. Il laisse alors sa prière le bousculer.