Colombie : une église évangélique hostile aux pasteurs amputés

Maria Luisa Piraquive. (Photo : Wikimedia Commons)Postée le mois dernier, une vidéo a déclenché la fureur des internautes colombiens. Sur ces images, on peut voir la directrice d’une église évangélique, dont la famille fait partie intégrante du paysage politique colombien, expliquer doctement pourquoi selon elle, les personnes amputées ne peuvent devenir pasteurs. « Si on voit quelqu’un prêcher avec un bras en moins, ça ne risque pas de plaire beaucoup, explique Maria Luisa Piraquive, fondatrice de l’Eglise ministérielle de Dieu de Jésus-Christ international, à un public composé précisément d’handicapés. Par acquit de conscience, certains diraient pour des raisons esthétiques, nous ne les laissons pas monter en chaire ».

Après s’être plaint que des demandes en ce sens existent dans de nombreux pays, elle explique encore qu’elle ne se fait pas de soucis à ce sujet, parce qu’en Colombie « nous n’aurons jamais ce genre de problèmes ». « C’est l’Esprit Saint qui demande à quelqu’un de venir prêcher, poursuit-elle. Et donc, l’invalide sait très bien qu’il ne peut pas monter en chaire. Il n’ira pas nous en faire la demande parce qu’il sait que ce serait ridicule et il pourrait le faire. Mais, en fin de compte, quoi ? Dieu le punit et lui prend la main ».

Malheureusement, il se trouve que Maria Luisa Piraquive, qui a fondé sa propre église évangélique en 1971 avec son mari, appartient à l’une des familles plus puissantes du pays. Les Piraquive ont participé en l’an 2000 à la création du parti centriste MIRA, le Mouvement indépendant pour la refonte globale, la huitième force politique du pays. Le parti ne compte que trois membres au Sénat colombien, dont la propre fille de Maria Luisa, Alexandra Moreno Piraquive. Or, le MIRA est à l’origine d’une loi anti-discrimination, adoptée en 2011, sur proposition de son chef, Carlos Alberto Baena, qui a lui-même épousé l’une des nièces de Maria Luisa.

Religion et politique : liaisons dangereuses


Ce n’est pas la première fois que la famille Piraquive se retrouve empêtrée dans ses contradictions. Un scandale avait éclaté en 2006 quand Ivan Moreno, le frère d’Alexandra, avait affirmé avoir été écarté de l’Eglise fondée par les siens en raison de ses préférences sexuelles. Cependant, après avoir donné une interview au journal Semana dans lequel il réaffirmait que son homosexualité était cause de son éviction, il était réintégré dans l’Eglise par sa famille – dont il est encore membre aujourd’hui.

Dans cette même interview, Ivan Moreno estimait par ailleurs qu’il n’y avait aucune différence entre l’Eglise ministérielle de Dieu de Jésus-Christ international et le parti MIRA. Le second sert seulement de plateforme politique au premier. L’Eglise, qui compterait 850 lieux de culte dans 45 pays selon son site web, a été à plusieurs reprises sous le feu des critiques en raison des mouvements d’argent entre l’un et l’autre. En 2005, le magazine Cambio, disparu depuis, détaillait ainsi les sommes astronomiques que récupérait l’Eglise lorsque ses pasteurs faisaient la quête à la fin de la messe. « Une fois, en un mois, rien qu’à Bogotá, un milliard de pesos [357.000 euros] ont ainsi été récupérés », explique Oscar Jair Bedoya, un autre neveu de Maria Luisa.

A présent, l’Eglise évangélique se retrouve de nouveau sous les feux de la rampe à cause des propos de sa co-fondatrice, Maria Luisa Piraquive, qui fait pratiquement l’objet d’un culte de la personnalité de la part des fidèles. Un signe : la vidéo sur laquelle on la voit exclure les handicapés de la prêtrise pour des raison esthétiques a depuis été supprimée – sur demande de l’Eglise ministérielle de Dieu de Jésus-Christ international.