Les désaccords sur les questions liées à la sexualité pourraient amener à une séparation au sein de l’Eglise méthodiste unie. Le mariage pour les personnes du même sexe est au coeur des discordes. Entre les traditionnalistes qui le condamnent et les progressistes qui violent les règles de l’Eglise en célébrant des unions entre personnes homosexuelles, peu croient encore à une possible réconciliation.
Un groupe de 80 pasteurs pensent que la deuxième plus grande congrégation protestante des Etats-Unis est confrontée à une déchirure imminente à cause de l’incapacité à résoudre des disputes théologiques de longue date, à propos de la sexualité et de la doctrine de l’Eglise. Mais plutôt que de se plaindre de cette division, les pasteurs soulignent qu’il y a peu de raisons de croire en une réconciliation – ou même une coexistence paisible. Comme un couple sur le point de divorcer, l’Eglise méthodiste rassemble des avis «différents irréconciliables».
«Nous ne pouvons plus parler du schisme comme d’un événement futur. La séparation s’est déjà produite au sein de notre communauté», explique le révérend Maxie Dunnam, président retraité du Séminaire de théologie évangélique Asbury dans le Kentucky. Le ton a changé, il y a dix ans, alors que les conservateurs ont rejeté une proposition de «séparation à l’amiable» comme prématurée. «Je ne veux pas que nous parlions de séparation», avait dit le révérend Maxie Dunnam après l’assemblée de l’Eglise en 2004, avant même que la question du mariage homosexuel touche toute la nation. «Ce n’est pas un sujet sur lequel nous devons perdre notre énergie».
Alors que 19 Etats et le District de Columbia autorisent les mariages pour les personnes de même sexe, le débat a touché les principales communautés religieuses des Etats-Unis, créant des divisions amères et des compromis. La question touche particulièrement les méthodistes, où la sainteté – les croyances et les pratiques par rapport à la pureté chrétienne – est fondamentale dans la théologie. Et comme le nombre de membres stagne aux Etats-Unis alors qu’il augmente en Afrique, ce sont les délégués d’outre-mer qui ont lutté contre la pression croissante de libéraliser la politique de l’Eglise sur le mariage homosexuel et les pasteurs gays.
Une Eglise dans une impasse
Face à la désapprobation des règles qui empêchent les pasteurs de célébrer des mariages homosexuels et face aux grandes Eglises qui défendent une politique conservatrice, des pasteurs de l’Eglise méthodiste unie (UMC) pensent que les 11,8 millions de membres sont dans une impasse. Un grand nombre de personnes estiment que les débats sur la sexualité touchent la façon même de comprendre les Ecritures ainsi que la manière d’enseigner des responsables religieux.
Franck Schaefer, un ancien pasteur de Pennsylvanie, a été reconnu coupable de violation de la loi de l’Eglise pour avoir célébré le mariage de son fils homosexuel en 2007. Il sera entendu par le comité juridique de l’Eglise, le 20 juin prochain. Franck Schaefer pourrait garder son titre de pasteur, s’il retire son soutien aux mariages homosexuels, mais il a refusé.
Néanmoins pour de nombreux conservateurs, le désaccord a explosé à la suite aux décisions de l’Evêque Martin D. McLee de New York. En mars dernier, l’évêque a annoncé qu’il allait classer, sans suite, l’affaire concernant l’ancien doyen du Séminaire qui avait, lui aussi, célébré le mariage de son fils homosexuel en 2012. Martin D. McLee a également demandé d’arrêter les procès contre les membres du clergé qui unissent les couples de mêmes sexes.
Les pasteurs ont trouvé que les décisions de l’évêque ne respectaient pas les enseignements de l’Eglise. Selon eux, il aurait dû, de façon appropriée, changer la position de l’Eglise sur la sexualité, plutôt que de refuser de respecter les règles et la constitution de l’Eglise. «Les tensions ont atteint un point où cela devient destructeur», a relevé, dans une interview, le révérend Larry Baird, pasteur de l’Eglise méthodiste de Grand Island, à New York. Selon lui, changer la dénomination de la communauté n’est pas la première chose à faire. «Nous espérons trouver un compromis, qui satisfera l’ensemble des membres».
Originaire des cinq juridictions de l’UMC, le groupe des 80 pasteurs et théologiens a publié un communiqué, jeudi 22 mai, qui décrit la crise à l’intérieur de leur Eglise. Ils pointent du doigt les pasteurs qui ont enfreint le Livre de loi, le manque de sanctions, les conflits par rapport à la suprématie des Ecritures ainsi que les différences dans la façon d’enseigner la sainteté.
Un compromis qui ne satisfait personne
Les traditionalistes croient que les Ecritures sont très explicites par rapport à l’interdiction des relations homosexuelles alors que les progressistes y voient l’amour et la justice divine, peut-on lire dans le rapport. Récemment, l’Eglise méthodiste a décidé d’élargir les avantages pour ses employés en couple, aux couples de mêmes sexes dans les Etats qui autorisent ces unions. Même si les couples homosexuels ne peuvent pas s’unir au sein de l’UMC. «Choisir une position entre-deux est réconfortant et correspond à l’attitude chrétienne», explique-t-on dans le rapport. «Cependant, il faut reconnaître que ce genre de compromis nie la réalité. Aucune partie ne va se satisfaire de ce genre de position».
D’autres groupes religieux se sont déjà positionnés par rapport aux mariages homosexuels, bien plus rapidement que l’Eglise méthodiste, qui a un effectif mondial plus conservateur; un tiers des membres habitent en Afrique, en Asie ou en Europe. «Pouvons-nous apprendre de la douleur qu’ont vécue d’autres congrégations et trouver une solution qui honore les règles établies par John Wesley (le fondateur des méthodistes)? Une voie sans perdant et sans gagnant, mais simplement des frères et des sœurs qui se séparent à l’amiable tout en voulant le bien de l’autre?». L’UMC n’a pas fourni de réponse officielle.
La grande question: l’UMC peut-elle rester intacte et satisfaire des personnes avec des points de vue radicalement opposés? Lors de la Conférence générale, les délégués n’ont pas choisi l’option presbytérienne qui est de permettre aux organismes régionaux de fixer leurs propres règles. Depuis plus de deux décennies, l’Eglise méthodiste s’est efforcée de trouver une façon pour maintenir un statu quo sans perdre ni les traditionalistes ni les libéraux. Malgré sa volonté d’unifier ses règles, l’Eglise méthodiste est une organisation théologique diversifiée qui compte des membres de tout horizon allant de l’ancien président George W. Bush à Hillary Clinton.
«L’UMC est une Eglise pluraliste avec des points de vue radicalement différents», souligne William Abraham, un professeur spécialiste des thèses de John Wesley, à l’Université méthodiste du Sud. «Cela montre à quel point nous pouvons vivre avec des différences… jusqu’à ce qu’elles commencent à mordre sur les pratiques des églises locales».