Le pasteur Werner Goll à la fin de la guerre. © Bundesarchiv/Ed. Ampelos
06.09.2014
Témoignage de foi • Sous le nazisme, des pasteurs allemands ont osé s’élever contre le régime et l’Eglise officielle. Parmi eux, Werner Goll. Un ouvrage leur rend hommage.
Pascal Fleury
Sous l’emprise nazie, l’Allemagne a aussi eu ses héros de la Résistance. Les jeunes étudiants de la Rose blanche sont bien connus, qui ont fait l’objet de nombreux ouvrages, films et hommages publics. Bien d’autres Allemands se sont opposés au régime mais sont restés dans l’ombre. C’est le cas de cet «irréductible pasteur Goll» et de ses coreligionnaires de l’«Eglise confessante», fondée en 1933 en opposition à l’Eglise protestante du Reich, qu’évoque Frank Bridel dans un ouvrage richement documenté.
Dès son arrivée au pouvoir en 1933, Hitler impose à toutes les Eglises protestantes du pays de fusionner en une seule Eglise du Reich, un organisme d’Etat centralisé rapidement contrôlé par des pasteurs nazis. L’évêque Martin Sasse, qui fait flotter le drapeau à croix gammée sur le siège de son évêché de Thuringe, exprime clairement la pensée des «Deutsche Christen»: «Nous devons suivre le Führer même s’il nous ferme les portes des églises. Il n’y a plus de vie en Allemagne en dehors du Führer. […] Aujourd’hui, le devoir de la théologie est de donner à la nouvelle éthique allemande de l’Etat son fondement religieux.»
Combattants de la foi
Pour de nombreux protestants attachés aux Ecritures, pareille profession de «foi» en Adolf Hitler est intolérable. Des pasteurs se réunissent alors, dès septembre 1933, pour fonder l’Eglise confessante. En janvier 1934, 7000 pasteurs se dressent également contre les premières mesures de persécution contre les juifs. Et en mai, lors du Synode de Barmen, dans la Ruhr, les réfractaires proclament que l’Eglise d’Allemagne n’est pas un «organisme d’Etat» et n’a d’autre fondement que la parole de Dieu.
De grands théologiens mènent le combat, comme le Suisse Karl Barth, auteur de la «Déclaration de Barmen», Martin Niemöller ou Dietrich Bonhoeffer. Le jeune étudiant Werner Goll, qui est issu d’une famille huguenote nîmoise réfugiée en Rhénanie au XVIe siècle, rejoint rapidement le mouvement. Candidat au séminaire, il se voit aussitôt reprocher son militantisme mais garde «la tête dure» pour ne pas céder aux pressions de l’évêque nazi, qui exige de lui une déclaration d’obéissance absolue.
Pire, dans sa prédication d’admission, le jeune homme ose dénoncer sévèrement «la folie» de ceux qui s’engagent sur «une voie trompeuse». Et il accuse ceux qui s’imaginent «être des seigneurs parce qu’ils peuvent disposer de l’argent, des biens, de la vie et de la mort de leurs prochains».
Soutien des paroissiens
En 1935, Werner Goll coupe définitivement les ponts avec l’Eglise officielle et s’engage comme vicaire de l’Eglise confessante. Pour affronter les pressions, les menaces, les interdits et la Gestapo, il peut compter sur ses paroissiens. Intronisé, il prend toujours plus de risques, tandis que plusieurs de ses confrères sont arrêtés et déportés à Buchenwald ou à Dachau. Lorsqu’il est nommé dans le bourg agricole de Metzels, le pasteur auxiliaire gagne vite la sympathie des villageois, mais il doit subir des restrictions draconiennes, comme l’interdiction de ministère auprès des jeunes.
La tension est toujours plus vive avec les «Chrétiens allemands», qui baptisent désormais au nom de «Dieu et l’Allemagne». En 1939, face à la terreur, Werner Goll se résigne à entrer dans la Wehrmacht comme fourrier. «Il a pris cette option pour se réfugier en lieu sûr, car l’armée ne demandait pas à ses soldats quelles étaient leurs opinions religieuses et politiques», explique le journaliste Frank Bridel, qui s’est fondé sur les recherches, les publications et les témoignages du fils du pasteur, Hans-Walter Goll.
Résistance italienne
L’esprit de révolte de Werner Goll n’en reste pas moins intact. Il ne manque d’ailleurs pas de partager ses espoirs de défaite allemande avec l’abbé Noël Carlotti, futur héros de la Résistance, alors qu’il stationne en Touraine. Puis avec Don Agostino Ferro, un prêtre résistant de la région de Gênes. Ses convictions le pousseront finalement à déserter et à s’engager dans la Résistance italienne. Son courage ne sera toutefois reconnu officiellement qu’en 2002, alors qu’il a 91 ans.
=> «L’irréductible pasteur Goll combattant de la foi sous la terreur nazie», Frank Bridel, Editions Ampelos, 2014.