Par Christelle Raineri – @ChristL_Raineri
La communauté protestante compte un peu plus de 20.000 fidèles au Grand-Duché (données des Eglises et paroisses, validées par le gouvernement). Ainsi, avec l’islam, le protestantisme est la deuxième religion du pays, derrière le catholicisme, largement majoritaire, avec plus de 400.000 fidèles.
Un mouvement né du rejet des orientations de l’Eglise catholique
Le mouvement protestant est né au XVe siècle, de la Réforme: un rejet de certaines pratiques de l’Eglise catholique, notamment la vente d’indulgences. Initiée par le théologien Martin Luther en Allemagne, la Réforme traduit la volonté d’un retour aux sources du christianisme.
Le protestantisme englobe des courants très divers mais tous ont en commun de ne reconnaître aucune autorité au Pape: en dehors de Dieu, rien n’est sacré, divin ou absolu, ce n’est pas l’Eglise qui est au cœur de la foi, mais l’Evangile.
Au Grand-Duché, la communauté se compose de l’Eglise protestante du Luxembourg et des paroisses de Luxembourg-ville, Ettelbruck, Wiltz, Esch/Alzette, des paroisses francophone et néerlandaise, du groupe “Jésus est vivant”, des paroisses d’expression allemande, danoise, finnoise, islandaise, et encore d’autres groupes, plus restreints.
L’Eglise protestante du Luxembourg représente l’ensemble des communautés protestantes présentes sur le territoire
Gerry Huberty
La convention signée en janvier dernier entre l’Etat et les communautés religieuses prévoit que “l’Eglise protestante du Luxembourg représente les communautés protestantes établies sur le territoire”.
C’est le pasteur adjoint de cette Eglise que nous avons rencontré: Volker Beba nous a ouvert les portes de “l’église d’enfants”, un atelier dédié aux 5-8 ans dont il s’occupe une fois par mois. Pasteur, parents et enfants nous ont raconté comment ils vivent leur foi au Luxembourg.
“L’église d’enfants”, un atelier ludique pour découvrir la Bible
C’est avec sa guitare et un chant de bienvenue que le pasteur accueille Ines, Cornelia, Anna, Nicolas, Jonas, Lowa, Till et Louisa. Tous prennent place autour de lui, et chantent ensemble, heureux de se retrouver.
Voilà quatre ans que la fille d’Elsbeth Ranke fréquente “l’église d’enfants”: “Ce n’est pas tant l’instruction religieuse qui importe pour moi, mais plutôt la vie en groupe: jouer et chanter avec les autres enfants de la communauté”, confie la maman.
“Etre protestant dans un pays catholique, c’est particulier”
Elsbeth et son mari sont allemands et ont tous deux grandi dans la foi protestante, très répandue dans leur pays. Aujourd’hui résidents luxembourgeois avec leurs deux filles, la situation s’est inversée: “On fréquente une Eglise minoritaire dans un pays catholique, c’est particulier.”
Jésus, représenté sur l’un des immenses vitrail qui surplombent le choeur de l’église de la Trinité
Gerry Huberty
Cela dit, elle y voit un avantage: “Les gens qui viennent, c’est parce qu’ils le veulent vraiment, pas seulement par habitude.”
Au-delà du protestantisme, ce sont surtout les valeurs chrétiennes qui sont importantes pour cette famille. D’ailleurs, les filles fréquentent le cours de religion catholique dispensé à l’école: “Les voir faire le signe de croix, qui n’existe pas chez les protestants, ça m’amuse”, raconte Elsbeth, en souriant.
Le baptême et la Sainte-Cène comme seuls sacrements
Elle ne voit pas de difficulté particulière à élever ses enfants dans la foi protestante au Luxembourg, si ce n’est certaines questions concrètes auxquelles il faut apporter des réponses: pourquoi, alors que tous les copains de classe préparent leur communion, doit-on attendre quatre années de plus?
En effet, dans le culte protestant, la première communion n’existe pas: “On a simplement expliqué aux filles que ce moment a lieu plus tard.”
A l’âge de 13 ans, les adolescents protestants font leur confirmation mais, à la différence du culte catholique, elle ne fait pas partie des sacrements. Seuls les deux rites institués par Jésus-Christ lui-même, le baptême et la Sainte-Cène, constituent des sacrements.
“Juger avec ma foi, sans que le Pape ne me dise quoi penser”
Ce qui plaît à Elsbeth dans le protestantisme est la liberté d’avoir ses propres idées: “Etre protestant, c’est être libre. Libre de prendre mes décisions, de juger avec ma foi, ma conscience, sans que le Pape, pour qui j’ai un profond respect, ne me dise quoi penser.”
Un principe fondateur du protestantisme est la lecture biblique amenant chaque croyant à être prêtre. “On est seul face à Dieu. Mais parfois, ça peut être dur. Etre un bon protestant, c’est une conscience de chaque jour.”
Chez les protestants, les pasteurs sont des hommes ou des femmes, se marient, ont des enfants: “Les femmes peuvent être pasteur, et je trouve ça tout à fait normal. La question du célibat des prêtres catholiques est un principe que je ne rejoins pas.”
Dans la petite salle de jeu, c’est maintenant l’heure du goûter. Au menu: fruits frais et beignets, les enfants en redemandent. Le pasteur Beba nous accorde un court instant.
“J’amène les gens à la Bible pour qu’ils réfléchissent par eux-mêmes”
Il est marié et a trois enfants, dont Till, qui se régale à l’autre bout de la table. Le pasteur a lui-même fréquenté “l’église d’enfants” quand il était petit, et dès son adolescence, il a souhaité s’investir dans l’animation biblique.
Pour le pasteur Volker Beba, la place du débat dans la foi protestante est une véritable richesse
Chris Karaba
Dans le culte protestant, il n’y a pas de distinction clergé-laïcs, la place du pasteur est donc très spécifique: “Mon rôle, c’est prêcher la parole de Dieu, guider, et amener chacun à s’engager. J’annonce l’Evangile, je laisse grandir la foi, j’amène les gens à la Bible pour qu’ils réfléchissent par eux-mêmes, ce qui est aux fondements du protestantisme.”
Deux édifices pour tout le pays
La grande difficulté à laquelle la communauté protestante est confrontée au Luxembourg est le manque d’édifice.
L’église de la Trinité est la seule église protestante de la capitale
Gerry Huberty
“On a notre église à Luxembourg, l’église de la Trinité, rue de la Congrégation, et l’église protestante d’Esch, c’est tout. On n’a que deux églises pour tout le pays au lieu d’en avoir une dans chaque village!”
“Les gens viennent parfois de très loin pour le culte du dimanche”, ajoute le pasteur.
C’est la solidarité de l’Eglise catholique et le soutien de certaines communes qui permet à l’Eglise protestante de célébrer occasionnellement des cultes partout dans le pays, en s’installant dans des locaux associatifs par exemple.
Questions de société: chaque paroisse libre de décider
Comme n’importe quel culte aujourd’hui, l’Eglise protestante n’échappe pas aux grandes questions de société et doit se positionner.
Chez les protestants, cela prend la forme d’un débat ouvert à tous. “Il y a peu, deux femmes ont manifesté le souhait de voir leur union bénie. Nous avons donc abordé le sujet au Consistoire puis organisé une première soirée d’information pour discuter avec les paroissiens de la bénédiction des couples de même sexe. Les débats vont se poursuivre sur cette question.”
“Chacun est invité à s’exprimer, et chaque paroisse est libre de choisir. C’est là une grande différence avec les catholiques: le Pape dicte sa position et l’Eglise doit la respecter.”