Une Haute école de théologie protestante devrait voir le jour d’ici deux à trois ans. Le projet dévoilé dans un communiqué diffusé lundi 23 mars par un groupe de théologiens, pasteurs et formateurs se veut plus professante et professionnalisante que les facultés de théologie, passage obligé des pasteurs des Eglises réformées. La Conférence des Eglises réformées réaffirme qu’elle ne soutient pas ce projet.
Photo:CC(by-nc-nd) David King
Par Joël Burri
«Nous cherchons à offrir une formation différente de celle dispensée en faculté de théologie, non pas opposée, mais complémentaire. Dans mes mots, je dirais: plus pratique, plus confessante, plus spirituelle, plus souple», écrit dans un communiqué, le pasteur réformé retraité Gérard Pella, membre du groupe de réflexion sur le projet de Haute école de théologie professionnalisante (HET pro). Ce groupe travaille depuis 2010 à «unir des forces vives du protestantisme romand (réformé et évangélique) pour proposer une nouvelle formation en théologie qui s’inspire du modèle des Hautes écoles spécialisées (HES) en Suisse et des Kirchliche Hochschulen (KiHo) en Allemagne.»
Collaboration réformée suggérée
«Ce qui est malheureux dans leur communication, c’est qu’ils font tout pour faire croire que leur projet émane aussi des Eglises réformées», réagit Xavier Paillard, président du Conseil exécutif de la conférence des Eglises réformées romandes (CER). «C’est clairement un projet qui émane des Eglises évangéliques. Les quelques pasteurs réformés – tous issus de la frange évangélique – qui soutiennent ce projet le font à titre individuel, ce qui pose d’ailleurs la question de leur loyauté vis-à-vis de leur Eglise.»
L’institut biblique et théologique Emmaüs, basé à Saint-Légier (VD) est associé à ce projet. Enseignant dans cet établissement et chef de projet HET-pro, David Richir explique. «Ce qui différenciera l’enseignement de la HET-pro de l’enseignement actuellement dispensé par l’institut Emmaüs c’est d’une part un niveau académique, un peu plus élevé que l’enseignement actuel, mais c’est aussi l’héritage réformé qui était dans l’ADN d’Emmaüs au moment de sa création il y a 90 ans, mais qui s’était perdu au fil du temps. Nous nous réjouissons de pouvoir partager avec les théologiens réformés l’ouverture sur la société et la capacité de dialoguer avec les autres traditions qui sont des points forts de la théologie réformée.»
Un rapport au texte biblique différent
Les Eglises réformées, qui disposent de leur propre cursus de formation tant pastoral que diaconal n’envisagent donc pas de reconnaître les titres que remettra la future haute école théologique. «La théologie est vraiment une branche universitaire et scientifique. Elle n’affirme pas une confession de foi. En d’autres termes, dans le cadre des facultés universitaires on considère Dieu comme un objet d’étude et pas d’abord comme le sujet d’une relation aux hommes», explique Xavier Paillard. «L’Université est un lieu de réflexion et de contact avec la société. Je pense que cette prise de distance que nous exigeons de nos futurs pasteurs leur permet de ne pas tomber dans des simplifications dogmatiques ou fondamentalistes». Xavier Paillard complète: «in fine ce qui se joue ici, c’est le rapport des croyants à la vérité et plus particulièrement le rapport à la Bible. L’Ecriture est étudiée dans les facultés comme un texte historique marqué par son époque au travers duquel on entend la parole de Dieu. Dans les mouvements évangéliques, le texte biblique est Parole de Dieu».
«Je ne pense pas qu’il faille opposer approche académique et approche confessante», rétorque David Richir. «Ce n’est pas parce que l’on a, si je caricature un peu, une perspective humaniste à l’extrême qui cherche à prendre ses distances par rapport au divin que l’on est plus rigoureux dans le travail avec les sources! Avec ce projet de HET pro, nous assumons une idéologie ou nous reconnaissons être des créatures d’un Dieu créateur, mais cela ne nous empêche pas de faire un travail critique de qualité. Il existe d’ailleurs de nombreuses facultés qui ne prêtent pas le flanc à une critique de leur niveau académique malgré leur approche confessante. Je pense, par exemple aux facultés catholiques.»
«Quand nous parlons de complémentarité entre faculté de théologie et haute école théologique, ce n’est pas pour jouer sur les mots. Nous pensons vraiment qu’il y a place pour deux formations de qualité, mais qui se basent sur des fondements épistémologiques différents».
«Nous sommes heureux de constater que les Eglises évangéliques souhaitent améliorer la formation de leurs pasteurs. Je regrette toutefois que cette offre se fasse en concurrence avec les facultés de théologie», conclut Xavier Paillard. «Je suis convaincu qu’il y a une place pour les évangéliques pour se former dans les facultés de théologie.»