L’Eglise protestante de France va pouvoir bénir les mariages homosexuels


L'Eglise protestante de France va pouvoir bénir les mariages homosexuels
Paris, France | AFP | dimanche 17/05/2015 – Les pasteurs de la principale Eglise protestante de France pourront désormais bénir, s’ils le souhaitent, les couples homosexuels mariés civilement, selon une décision adoptée dimanche à une large majorité par le synode, une quasi-première dans l’Hexagone.

Sur la centaine de délégués de l’Eglise protestante unie de France (EPUdF) réunis à Sète (Hérault) et ayant pris part au vote, 94 ont voté pour la possibilité d’une bénédiction et trois contre, a indiqué le porte-parole de cette Eglise, qui incarne le courant historique du protestantisme français.

“Ce qui m’a surpris, c’est l’excellente ambiance” lors de la session du vote, marquée par “la confiance et la fraternité”, a déclaré à l’AFP le pasteur Laurent Schlumberger, président du conseil national de l’EPUdF. “Ce n’est pas une majorité qui a gagné contre une minorité. La décision intègre toutes les positions”.

Dans un communiqué, l’EPUdF précise qu’il s’agit d'”un pas de plus” pour “accompagner les personnes et les couples”, après 18 mois de réflexion et de débat.

Deux ans après l’adoption de la loi Taubira ouvrant le mariage civil aux personnes de même sexe, cette annonce est une quasi-première en France.

D’importantes communions protestantes d’Europe (Espagne, Italie…) et d’Amérique du Nord, ont ouvert cette bénédiction aux couples gays et lesbiens. En France, seule la Mission populaire évangélique (MPEF), une Eglise beaucoup plus petite que l’EPUdF, autorise actuellement ses pasteurs à participer à un “geste liturgique d’accueil et de prière” pour les homosexuels, mais cela reste marginal.

Le mariage n’est pas un sacrement pour les protestants, mais les couples hétérosexuels unis en mairie peuvent être bénis au temple.

“Le Synode est soucieux à la fois de permettre que les couples de même sexe se sentent accueillis tels qu’ils sont et de respecter les points de vue divers qui traversent l’Eglise protestante unie”, a indiqué dimanche l’EPUdF.

– Loin du consensus –

Le président de SOS Homophobie Yohann Roszéwitch “très heureux de ce vote à la quasi-unanimité”, a souligné la “symbolique” de ce geste intervenu dimanche, journée internationale de lutte contre l’homophobie. Le vote lui paraît “primordial dans un contexte actuel de hausse de l’homophobie, entretenue parfois par les Eglises”. En 2014, l’association a recueilli 2.197 témoignages faisant état d’actes homophobes.

L’EPUdF a précisé que la bénédiction est “une possibilité ouverte, elle n’est ni un droit ni une obligation. En particulier, elle ne s’impose à aucune paroisse”.

Au sein même de l’Eglise protestante unie, née en 2012 de la fusion des Eglises luthériennes et réformées, le sujet est loin de faire consensus, même si le mariage gay n’y fait pas l’objet du rejet constaté parmi les responsables catholiques et dans les mouvements évangéliques.

En juin 2014, l’Union des Eglises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL) s’était donné “un délai de trois ans avant d’envisager de reprendre cette question en assemblée”.

Avant le synode, le pasteur Gilles Boucomont avait marqué sa vive opposition au projet. Avec une cinquantaine d’autres pasteurs et une centaine de conseillers presbytéraux (locaux), il avait signé un “appel” invitant les délégués du synode à ne pas statuer “dans la hâte de répondre à la pression de la société et l’évolution de ses mœurs” et disait craindre “de profondes déchirures”.

L’EPUdF revendique 110.000 membres actifs parmi 400.000 personnes faisant appel à ses services.

Tout en se défendant d’être en concurrence avec une mouvance évangélique en forte croissance, elle parie désormais sur une démarche missionnaire pour “passer d’une Eglise de membres à une Eglise de témoins”.

L’EPUdF accueille un nouveau pasteur chaque mois ce qui, compte tenu des départs à la retraite, lui permet de stabiliser leur nombre. Un tiers d’entre eux, et même 45% des nouveaux pasteurs, sont des femmes.


L'Eglise protestante de France va pouvoir bénir les mariages homosexuels
Le Conseil des évangéliques “consterné”

Le Conseil national des évangéliques de France (Cnef) a jugé lundi “consternante” la décision de permettre la bénédiction liturgique des couples homosexuels mariés prise la veille par l’Eglise protestante unie de France (EPUdF, luthériens et réformés).

Dans un communiqué, le Cnef se dit “surpris par le vote massif des délégués synodaux” de l’EPUdF (94 voix pour, 3 contre), dimanche à Sète (Hérault), en faveur d’un tel choix, qu’il juge “contestable” à plusieurs égards.

D’abord, estime le Conseil des évangéliques, la communion luthéro-réformée a ainsi pris le risque de “confondre le souci louable d’accueillir en Église les personnes homosexuelles avec la bénédiction d’une pratique condamnée sans équivoque par la Bible”.

Ensuite le Cnef, qui dit vouloir affirmer une “voix libre” et ne “pas simplement suivre les tendances de la société”, voit dans cette bénédiction “un simple accompagnement de la volonté des personnes demandeuses” plutôt qu’une “occasion pastorale de découverte, avec elles, de la volonté de Dieu”. Enfin, il y voit la promotion d'”une grâce à bon marché bien éloignée de l’Évangile de Jésus-Christ et de ses exigences en matière d’éthique de vie”.

“Nul doute que la décision de l’Église protestante unie marquera de façon négative les relations qu’elle entretient avec les protestants évangéliques et compliquera aussi les relations avec les autres Églises”, prévient le Cnef.

Le Cnef, qui revendique 70% des évangéliques français sous sa tutelle, est l’une des grandes instances représentatives du protestantisme hexagonal avec la Fédération protestante de France (FPF), à laquelle appartient l’EPUdF.

Les évangéliques, qui comme les catholiques sont généralement plus conservateurs que les luthéro-réformés sur les sujets de société, sont estimés à quelque 600.000 pratiquants réguliers en France, dispersés en une multitude d’Eglises locales en plein essor.

L’EPUdF, elle, incarne le courant historique du protestantisme français. Elle est la première Eglise protestante française avec 110.000 membres actifs revendiqués parmi 400.000 personnes faisant appel à ses services.