« Le Synode (…) ouvre la possibilité, pour celles et ceux qui y voient une juste façon de témoigner de l’Évangile, de pratiquer une bénédiction liturgique des couples mariés de même sexe qui veulent placer leur alliance devant Dieu. »
Ainsi a été adoptée à Sète, à 94 voix pour et 3 contre, une décision mûrie depuis dix-huit mois au sein de l’EPUdF. Elle autorise désormais les pasteurs à bénir une union civile, à la différence de l’Église catholique qui considère le mariage comme un sacrement.
Plusieurs synodes autour de l’homosexualité, de la parentalité et du couple avaient déjà été organisés dès 1999 au sein de cette Église protestante, qui compte aujourd’hui 250 000 fidèles et 500 paroisses. Mais le synode national de 2015 marque une évolution majeure. « Il y a dix ans, on se demandait si on pouvait accueillir des pasteurs ou des fidèles homosexuels dans les paroisses », confie l’EPUdF.
Cette décision répond à la demande de certains couples et suit une réflexion plus large autour de la bénédiction. « Nous devions leur répondre. Que l’on accepte ou que l’on refuse de les bénir, il fallait leur dire pourquoi ».
Désormais, un couple souhaitant une bénédiction pourra adresser sa demande au pasteur, avant que les conseils presbytéraux de la paroisse ne décident d’accepter ou non la requête. L’Église insiste en effet sur le caractère non obligatoire de la bénédiction pour les pasteurs. L’EPUdF, qualifie d’ailleurs cette initiative de « symbolique ». « Nous ne verrons pas de déferlante de mariages de couples de même sexe dans l’Église protestante unie. Nous pensons que cela représentera seulement 1 % des demandes de bénédictions toutes confondues. »
Des divergences profondes au sein des Églises protestantes
Pourtant, cette autorisation ne fait pas l’unanimité au sein des protestants. Elle inquiète même les évangéliques, premiers à émettre de vives critiques mais se défendant de toute démarche homophobe. Pour cette union d’Églises, qui rassemble la majorité des protestants pratiquants en France, une distinction s’impose entre une tendance à l’homosexualité – qui n’est pas du ressort de la personne – et la mise en pratique de celle-ci, comme l’explique Daniel Liechti, vice-président du CNEF (Comité National des Évangéliques de France).
Pour ce représentant, le débat actuel ne fait d’ailleurs que refléter des dissensions plus profondes qui existent depuis longtemps entre deux mouvements : celui des « libéraux » et celui des « évangéliques ». Les premiers font une lecture de la Bible qui a vocation à adapter les textes au contexte de la société et se placent en faveur d’une réactualisation de certains concepts éthiques, qu’il s’agisse de la pratique de l’homosexualité, de l’avortement, ou d’autres grands débats de ce siècle.
Les seconds, quant à eux, invitent certes à replacer « les textes bibliques dans leur contexte historique et social, mais avec leurs limites, car pour nous, la Bible est quand même d’abord la Parole de Dieu », explique Daniel Liechti. Un texte qui n’autorise pas à toucher ce qui est considéré comme fondamental pour l’humanité, à commencer par la vocation – selon l’Évangile – d’un couple, une fois marié : fonder une famille. Le CNEF rappelle qu’il n’est d’ailleurs pas question de pointer du doigt uniquement l’homosexualité, mais toute forme de sexualité contraire aux enseignements bibliques : adultère, relations sexuelles avant le mariage.
« Une décision unilatérale et inacceptable »
Le pasteur indique aussi que cette décision, si elle risque de compliquer les relations et les tentatives de rapprochement à un niveau local entre membres de l’EPUdF et des Églises évangéliques, commence aussi à avoir des répercussions à l’international. Des voix se font entendre d’Afrique, d’Haïti ou d’Asie, dénonçant une interprétation incompréhensible de la Bible, qui les place en porte-à-faux dans des situations plus ou moins conflictuelles avec des communautés non-chrétiennes.
La décision de permettre aux couples homosexuels de recevoir une bénédiction, si elle n’est pas une première – puisque déjà mise en place dans d’autres Églises « libérales » en Europe – se fait donc le reflet d’une réalité religieuse bien plus complexe que le débat théologique d’une Église parmi d’autres. Pour le pasteur Liechti, elle ne fera d’ailleurs que compliquer le dialogue au sein de la grande famille chrétienne. « Nous ne pouvons pas jouer à l’unité quand celle-ci est brisée par une décision aussi unilatérale et inacceptable pour les autres. »