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L’Église protestante unie de Belgique accepte les pasteurs homosexuels

Il sera désormais possible pour des personnes homosexuelles de devenir pasteurs dans l’Église protestante unie de Belgique. C’est ce qu’ont décidé les représentants de cette branche du protestantisme belge, réunis samedi 13 juin en Synode.

« L’homosexualité ne constitue pas un critère permettant d’exclure des candidats au ministère pastoral », peut-on lire dans le communiqué, diffusé à l’issue de cette rencontre. Avant de souligner : « Dans le même temps, personne n’est forcé de rien. »

Libres de choisir

« L’Église est (…) parvenue à prendre une décision claire, en toute sérénité et dans le respect mutuel de la différence d’opinion, concernant un sujet sensible à propos duquel les avis divergent fortement au sein de l’Église. »

Le communiqué affirme également que, conformément à la règle en vigueur dans les paroisses protestantes, les conseils presbytéraux demeurent libres de choisir leur pasteur.

Cette décision intervient moins d’un mois après celle, prise par le synode de l’Église protestante unie de France, d’autoriser la bénédiction, par les pasteurs, de couples homosexuels mariés civilement.

Nouveau propriétaire pour la bibliothèque des pasteurs

La bibliothèque des pasteurs appartiendra désormais à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel. Le Conseil de fondation de la BPUN a accepté lundi la donation qui lui était proposée par le propriétaire actuel de ce fonds, la Société des pasteurs et ministres neuchâtelois (SPMN).

Il était déjà prévu que les quelque 100’000 ouvrages déménagent à la BPUN d’ici la fin de l’année, en raison de la fermeture de la Faculté de théologie où ils se trouvent actuellement.

La convention de donation entre la BPUN et la SPMN est sur le point d’être signée. Le transfert de propriété prendra effet au 1er janvier 2016. La Société des pasteurs et ministres neuchâtelois reste dès lors en charge de la sécurité du fonds jusqu’à cette date, soit durant le déménagement qui interviendra entre cet été et la fin de l’année.

Ce changement de propriété constitue un « tournant historique » aux yeux de Thomas Facchinetti, président du Conseil de fondation de la BPUN, étant donné que la bibliothèque des pasteurs appartient à la SPMN depuis le XVIe siècle.

L’Université, la Ville et le Canton de Neuchâtel se sont quant à eux engagés à soutenir financièrement le déménagement de cette bibliothèque, ainsi que son exploitation future. L’objectif est en effet de valoriser encore davantage ce fonds et d’en améliorer l’accès au public.

Cette donation permet à cet important patrimoine de rester sur sol neuchâtelois. La bibliothèque des pasteurs compte en effet des documents précieux comme des bibles d’Olivétan, premières bibles traduites en français et imprimées à Neuchâtel juste après la Réforme. /sbe

Les protestants auront des pasteurs homosexuels

Belgique

L’Église protestante unie de Belgique – le courant réformé et luthérien – a décidé, lors d’une assemblée synodale sur le thème “Homosexualité et consécration au ministère pastoral”, de “ne plus faire obstacle aux pasteurs homosexuels”. C’est le fruit d’un long processus démocratique… La réflexion initiée par un groupe de travail composé de délégués représentatifs de ses “districts” a suivi son cours. Samedi, l’assemblée extraordinaire du Synode a tranché par un vote au niveau national après des consultations aux niveaux local puis régional. “C’est toujours le débat, le dialogue et la nécessité d’être contredit qui ont fait vivre l’Église protestante, précise-t-on à son sommet. Mais cette fois, l’Église est parvenue à prendre une décision claire, concernant un sujet sensible à propos duquel les avis divergent fort : l’homosexualité n’est pas un critère pour exclure des candidats au ministère pastoral.”

Précision : chaque église locale garde le droit de choisir son pasteur. L’Église protestante belge a déjà ouvert l’ordination aux femmes et son corps pastoral est composé d’environ 15 % de femmes.

L’Église catholique campe sur ses positions

L’Église catholique ne fait pas preuve d’une telle ouverture. Il y a 10 ans, la Congrégation pour l’éducation catholique recommanda de refuser l’ordination “aux séminaristes ayant des pratiques homosexuelles”, à ceux qui présentent “des tendances homosexuelles profondément enracinées” ou qui soutiennent “la culture gay”. Une instruction sévère qui se double d’une période de screening de deux ans de conduite “sans défaillance” afin d’éprouver la réalité et la permanence de l’engagement au célibat… Malgré le pape François, l’Église campe sur sa ligne même si le pape François demande qu’on respecte davantage les homosexuels. Comme l’a montré une récente matinée d’étude organisée à Liège par Mgr Delville, l’homosexualité n’est plus un tabou mais de là à admettre des prêtres gays, il y a de la marge. Du côté du judaïsme, des rabbins israéliens ou américains ont avoué leur homosexualité. Du côté de l’islam, la question est encore plus sensible.

Steven H. Fuite, président de l’Eglise protestante unie de Belgique

La personnalité

Je suis fier de mon Église ainsi que de l’ouverture et du respect dans lesquels les débats se sont déroulés.” C’est un président de l’Église protestante unie de Belgique heureux qui a commenté l’ouverture de son institution aux pasteurs homosexuels. Steven H.Fuite qui dirige le Synode de l’EPUB depuis 2012 y retrouve toute la richesse du débat démocratique à l’aune du libre examen et de la liberté de conscience chères aux protestants.

À l’occasion du 175e anniversaire de la reconnaissance de son courant dans la Belgique contemporaine, il avait précisé que son Église pratiquait davantage que n’importe quelle autre le débat démocratique. Ce dont atteste aussi sa configuration qui insiste beaucoup sur la décentralisation et la subsidiarité.

Il avait ajouté que ce type de pratique s’imposait dans le laboratoire permanent qu’est la Belgique. Mais sa satisfaction est aussi d’aider les croyants à choisir en toute liberté en fonction de leur propre aventure humaine…

Pour la petite histoire, le président est né à… Zwolle (Pays-Bas) mais vit en Belgique depuis ses 20 ans. Selon lui, “dans l’Europe actuelle, ce qui est compte, c’est ce qu’on est et les valeurs qu’on défend. Et ne pas perdre de vue l’aspect humain”. À Malines-Nord où il était arrivé en 1989, il avait insisté en permanence sur la richesse de la diversité. Comme président, il veille à ce que l’EPUB reste “une maison chaleureuse avec des personnes dont on doit prendre soin et qu’il faut veiller à garder unies”. Tout en intégrant les évolutions sociétales … 

Belgique: L’Eglise protestante accueille les pasteurs homosexuels

L’Eglise protestante de Belgique a annoncé le 14 juin vouloir «ouvrir la porte aux pasteurs homosexuels». La décision a été prise la veille par le Synode de l’Église Protestante Unie de Belgique.

Le président du Synode, Steven H. Fuite, s’est réjoui de cette décision. «Je suis fier de mon Église ainsi que de l’ouverture et du respect dans lesquels les débats se sont déroulés.»

L’église protestante ouvre la porte aux pasteurs homosexuels

L’église protestante de Belgique ouvre la porte aux pasteurs homosexuels.

«Le Synode de l’Église Protestante Unie de Belgique a décidé, lors de son assemblée ce samedi, de ne pas considérer l’homosexualité comme un obstacle à la possibilité d’exercer le ministère pastoral», a-t-elle précisé dans un communiqué.

Selon le texte, un groupe de travail où chaque district de l’Église était représenté, avait préparé cette assemblée extraordinaire du Synode Protestant autour du thème «Homosexualité et pastorat». Ce groupe de travail avait rédigé une recommandation qui a été envoyée à toutes les églises locales pour qu’elles en discutent, avant de faire l’objet d’une discussion au niveau régional et enfin d’un vote au niveau national.

«Je suis fier de mon Église ainsi que de l’ouverture et du respect dans lesquels les débats se sont déroulés», a déclaré le président du Syndode, Steven H. Fuite.

Il y a quelques années, le Synode Protestant, dont le corps pastoral est composé de 15% de femmes, avait déjà décidé que, parallèlement au mariage, il était possible de demander la bénédiction des couples du même sexe lors d’un culte.



Les homosexuels peuvent désormais devenir pasteurs en Belgique

Le Synode Protestant a décidé que l’homosexualité ne devait pas être un obstacle.

L’église protestante de Belgique ouvre la porte aux pasteurs homosexuels, a-t-elle fait savoir dimanche soir. « Le Synode de l’Église Protestante Unie de Belgique a décidé, lors de son assemblée ce samedi, de ne pas considérer l’homosexualité comme un obstacle à la possibilité d’exercer le ministère pastoral », a-t-elle précisé dans un communiqué.

Une recommandation à toute les églises locales

Selon le texte, un groupe de travail où chaque district de l’Église était représenté, avait préparé cette assemblée extraordinaire du Synode Protestant autour du thème « Homosexualité et pastorat ». Ce groupe de travail avait rédigé une recommandation qui a été envoyée à toutes les églises locales pour qu’elles en discutent, avant de faire l’objet d’une discussion au niveau régional et enfin d’un vote au niveau national.

« Je suis fier de mon Église ainsi que de l’ouverture et du respect dans lesquels les débats se sont déroulés », a déclaré le président du Synode, Steven H. Fuite.

Il y a quelques années, le Synode Protestant, dont le corps pastoral est composé de 15 % de femmes, avait déjà décidé que, parallèlement au mariage, il était possible de demander la bénédiction des couples du même sexe lors d’un culte.

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L’église protestante de Belgique ouvre la porte aux pasteurs homosexuels

Selon le texte, un groupe de travail où chaque district de l’Église était représenté, avait préparé cette assemblée extraordinaire du Synode Protestant autour du thème «Homosexualité et pastorat». Ce groupe de travail avait rédigé une recommandation qui a été envoyée à toutes les églises locales pour qu’elles en discutent, avant de faire l’objet d’une discussion au niveau régional et enfin d’un vote au niveau national.

«Je suis fier de mon Église ainsi que de l’ouverture et du respect dans lesquels les débats se sont déroulés», a déclaré le président du Syndode, Steven H. Fuite.

Il y a quelques années, le Synode Protestant, dont le corps pastoral est composé de 15% de femmes, avait déjà décidé que, parallèlement au mariage, il était possible de demander la bénédiction des couples du même sexe lors d’un culte.

Comment peut-on être protestant ?

Voici paru le premier volume du «Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 à nos jours»: plus de 800 pages pour les seules lettres A à C. Le feuilleter, c’est entrevoir l’histoire de la France des deux derniers siècles, mais une histoire en discontinu, au travers de brefs aperçus biographiques, rassemblés sous la direction des historiens Patrick Cabanel et André Encrevé.

Cette approche donne une sorte d’histoire polycentrique, éparse, mais aussi le sentiment d’un peuple, avec ses célébrités, certes, mais aussi ses figures presqu’anonymes, un instant sorties de l’oubli et dont on mesure vite combien ils ont fait leur temps, leur monde, et finalement le nôtre.

Ces feuillets nous font traverser depuis l’époque révolutionnaire des Antoine Barnave ou Boissy d’Anglas, jusqu’au communisme d’un Henri Barbusse ou la résistance d’un Jean Cavaillès, depuis le trait de couleur et de lumière d’un Frédéric Bazille ou d’un Jean de Brunhoff, jusqu’à l’émerveillement scientifique d’un Auguste de Candolle, d’un Georges Cuvier, ou d’un Alexandre Brongniart.

On y trouve des familles de banquiers ou d’industriels comme les Boissonnas, les Courtois, les de Coninck, et des familles de juristes comme les Carbonnier, etc. On y trouve des écrivains comme Benjamin Constant, Jean-Pierre Chabrol, ou Roland Barthes, des intellectuels engagés comme Ferdinand Buisson ou Jean Baubérot, etc.

Mais surtout on y trouve des familles de pasteurs, les Atger et les Bonzon, les Bosc et les Bost, les Boegner et les Bourguet, les Cadier et les Casalis, les Cook et les Cruse, etc. Et on n’en est encore qu’à la lettre C ! Comme au jeu des ronds et des croix, on n’en finirait pas de tirer des lignes pour placer ces figures en séries sous des angles divers. Je voudrais ici en tirer trois. 

Le martyr des enfants de pasteurs

La première concerne justement les enfants de pasteurs, qui forment à eux seul un peuple, presque une espèce. À consulter les notices de ce «Dictionnaire», les enfants de pasteur n’ont certes pas forcément été des pasteurs (de même que les enfants des saints n’étaient pas forcément des saints). Mais ils ont constitué longtemps jusqu’à un cinquième du corps pastoral.

Et même sans être pasteurs ils jouent un rôle immense dans cette histoire. Ils jouent ce rôle par leur nombre, et cela suffit à distinguer la sociologie du protestantisme de celle du catholicisme. Il n’y a pas de famille de prêtres. L’idée même de tradition n’a donc pas le même sens en catholicisme, elle n’est pas à ce point portée par le vecteur familial, un vecteur familial réel, avec ses amours terribles et ses conflits de génération.

Des enfants de pasteurs, fils et filles, on les retrouve dans tous les métiers, sans doute, beaucoup d’artistes et d’intellectuels, beaucoup de militants et de «ministres» — au vieux sens de serviteurs d’une Cause, et les causes successivement portées ont été nombreuses. Mais elles et ils partagent une sorte de complicité, le plus souvent tacite, celle de se sentir «pas comme les autres», un peu mis à part, dans une fonction d’exemplarité.

C’est moins l’autoreproduction d’une sorte de dynastie sacrée, au sens sacramentel, qui est ici en jeu, que la production incessante d’une sorte de perfectionnisme moral et existentiel, probablement dû à une certaine exposition publique. Les enfants de pasteurs sont d’emblée des enfants «publics»: qu’ils le veuillent ou non, ils donnent l’image de la communauté dont leur père est le pasteur. A eux après d’en faire ce qu’ils veulent, ou ce qu’ils peuvent.

La vocation pastorale n’est cependant pas familiale : à chacun des enfants de pasteurs de se débrouiller avec la vocation du père, du grand-père, à chacun de la réinterpréter pour soi. On touche ici à une interrogation discrète que chaque enfant de pasteur a rencontrée. Ce n’est pas seulement la question de la foi, mais celle d’un appel plus vaste, plus intime. Comment s’inscrire dans cette généalogie? Comment l’interpréter?

Nietzsche, Emerson et les autres…

Ceux qui ont la force de rompre avec la «tradition» sont aussi ceux qui ont la force de la reprendre de fond en comble pour la réinterpréter. C’est par une sorte de fidélité supérieure à ce qui leur semble être le noyau véritable de la vocation paternelle qu’ils rompent avec la transmission.

Je pourrais ici, en philosophie, donner en exemple Emerson et Nietzsche, tous deux fils de pasteur. Il y a bien chez eux une sorte de généalogie, mais une généalogie du décalage : comme s’ils étaient obligés, pour continuer, de bifurquer. C’est là qu’il a fallu inventer. Car si le cœur de la prédication protestante est l’affirmation de la gratitude, au sens où l’important n’est pas ce que nous faisons et méritons par nos œuvres, mais ce que nous recevons comme un don, et la manière dont à notre tour nous interprétons ce qui nous est donné, on n’en a jamais fini !

C’est pourquoi il y a chez bien des enfants de pasteur, et même s’ils ont quitté toute communauté protestante depuis longtemps, une sorte d’activisme, d’inventivité, de militance, parfois interrompus par un sentiment de désoeuvrement total, une paresse de lis des champs. En tout cas un radical «insouci» de soi. À chacune et chacun d’entre eux de dire si c’est là un bonheur ou un échec, une bénédiction ou une malédiction. Mais il ne faut jamais oublier que ce qui fait le bonheur d’une génération est souvent la malédiction de la suivante.

La face cachée du dictionnaire: les femmes

Il y a de nombreuses femmes dans le «Dictionnaire». Des filles de pasteurs, bien sûr, et depuis un demi-siècle maintenant des femmes pasteurs, des «pastourelles» — c’est avec elles que l’on verra peut-être une mutation profonde de la figure précédente, sans doute trop marquée par l’importance des «pères». Et simplement des militantes, des artistes, des universitaires, des médecins, etc.

Mais le plus souvent, les femmes sont la face cachée du dictionnaire. Parfois leur nom apparaît à côté de celui de leur mari, non comme leur ombre, mais comme leur double. Car le couple protestant est a priori égalitaire : Calvin réclamait le droit de divorce pour les femmes comme pour les hommes. Parmi les femmes mentionnées, nombreuses ont joué un rôle dans la conquête de l’émancipation et de l’égalité féminine. Et pourtant le plus souvent leur nom est tu, oublié, ignoré.

C’est ce que je voudrais ici interroger. On pourrait d’ailleurs repartir de la figure classique de la «femme de pasteur», qui attend sans doute encore son romancier, ou son cinéaste : sans elle, le pasteur n’aurait pas été ni fait ce qu’il a été ni ce qu’il a fait. Elle l’a soutenu. Mais pas comme la bonne du curé ! Non, elle l’a accompagné, elle a été son complice, elle a animé la chorale des enfants, lancé un groupe de discussions de femmes, relancé le scoutisme. Elle a écouté les gens.

Elle a aussi discuté ses prédications, elle n’a pas été d’accord avec lui, elle a pris des tangentes, elle a lu, elle a écrit, parfois plus que lui. Elle a au fond partagé la vocation de son mari, d’autant plus totalement, entièrement, qu’elle ne partageait pas sa visibilité, sa fonction de «Ministre de la Parole».

La matrice du couple moderne

Or je me demande si ce modèle n’est pas, paradoxalement, celui du couple «moderne» par excellence. Il ne s’agit plus alors seulement des femmes de pasteurs, mais des femmes de médecins, de savants, d’artistes, d’universitaires, d’hommes politiques, d’industriels, de cultivateurs, d’instituteurs, etc. Dans un livre sur le mariage, j’ai tenté de montrer que le mariage moderne avait été inventé par les puritains de la révolution anglaise (John Milton), précisément par leur invention du divorce: c’est parce qu’on peut se délier que l’on peut se lier librement.

C’est ce modèle du couple, d’un couple en quelque sorte «militant», que l’on retrouve en feuilletant les notices de ce dictionnaire. Mais c’est aussi ce modèle que l’on imagine derrière la plupart des noms masculins, des plus fameux aux plus anonymes. On pourrait dire que c’est la trace d’un manque d’émancipation, d’un manque d’égalité, et c’est certainement juste — et c’est une époque entière. Mais il ne faut pas sous-estimer ce qu’il y avait de libre dévouement dans ce modèle conjugal. Et c’est ce libre dévouement qui change tout : la femme n’est pas asservie à son mari, ils y sont tous deux au service d’autre chose, librement.

On pourrait même dire que l’asymétrie de leur position «obligeait» en quelque sorte le mari à aller d’autant plus loin dans son «ministère», dans son œuvre. On peut alors se demander si l’incroyable énergie qui anima nos sociétés pendant quelques siècles, et détermina ses grandes inventions, ses grandes avancées, n’était pas dégagée par cette forme de couple un peu particulière. En tout cas c’est une forme de couple qui a aujourd’hui quasi disparu — ici encore il est difficile de démêler le gain et la perte.

De Karl Barth à Roland Barthes

Mon troisième et dernier coup de sonde portera sur une mouvance théologique majeure dans le protestantisme français du XXème siècle. Il ne s’agit pas des disciples de Roland Barthes, mais de ceux du théologien suisse allemand Karl Barth. Dans le sillage de Kierkegaard, sa théologie insistait sur l’altérité radicale de Dieu, et c’est en se réclamant de lui qu’un réseau international de jeunes intellectuels est devenu le vivier de l’église confessante qui résista au nazisme dès son arrivée au pouvoir et jusqu’à la fin de la guerre.

En France aussi, le nombre et la densité des revues publiées, le nombre et la qualité des intellectuels et militants passés d’une manière ou d’une autre dans l’orbe de ce mouvement (Denis de Rougemont, Henri Corbin, Jean Cavaillès, Madeleine Barrot, Paul Ricœur, Jacques Ellul, Jean Carbonnier, Jean-Jacques de Félice, Michel Rocard, etc), attestent l’importance de son attraction.

Dans le prolongement de l’oscillation qui marque la pensée de Karl Barth entre le terrestre et l’absolu, il y a chez eux un véritable «paradoxe politique»: pour toutes ces figures, le meilleur moyen de prendre le politique au sérieux est le désabsolutiser, de détotaliser, de le désacraliser. S’installe ainsi une tension entre un dedans et un dehors, car il s’agit à la fois d’orienter de l’intérieur le mandat politique, et de résister de l’extérieur à ses abus. Cette tension est très caractéristique chez le philosophe Paul Ricœur, mais l’exemple le plus connu des Français est le «parler-vrai» de Michel Rocard: c’est précisément parce que la politique est une passion totale qu’il faut lui trouver des limites.

Le sillage de Karl Barth a également laissé une sorte d’effet poétique: justement parce qu’il n’y a pas de langage sacré, absolu, il faut prendre garde à l’épaisseur métaphorique des langages, des textes, des expressions, et prendre un «soin poétique» du langage ordinaire. C’est ce que l’on trouve chez Roland Barthes, et probablement encore chez Jean-Luc Godard.

C’est au moment de la sortie d’un mouvement qu’on en mesure la fécondité. La vie intellectuelle française a longtemps été dominée par un post-communisme massif puis un néo-libéralisme non moins massif. Mais intellectuellement le post-barthisme avait probablement été plus fécond, plus inventif. On mesure ici combien la tradition protestante est restée en France une tradition mineure.

Marginalisation ?

Pour finir, feuilletant encore une fois ce premier volume du «Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 à nos jours», j’ajouterai que l’on prend conscience, à regarder de près les dates des personnages mentionnés, que cette histoire semble loin d’être finie. Aussi marginal soit-il, ce monde protestant n’en finit pas d’attirer des personnalités fortes, de transmettre des valeurs discrètes, ou de renvoyer vers la société des individus «bons pour le service», qui ne mentionnent plus leur attachement, n’éprouvent plus le besoin de cette référence, descendue dans les profondeurs d’un oubli constitutif.

Ceci n’est pas un échec du protestantisme. C’est le contraire. La prédication de la gratitude a si bien marché que ceux qui l’ont entendu et comprise semblent ne plus avoir besoin de la répéter. Ils retournent au monde ordinaire et s’y effacent. Mais cela ne peut durer que si par ailleurs des générations nouvelles se lèvent, qui entreront à leur tour dans un dictionnaire ultérieur, que nous ne saurions imaginer.

Olivier Abel (*) 

Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 à nos jours. Tome 1 : A-C, sous la direction de Patrick Cabanel et Pierre Encrevé, éditions de Paris Max Chaleil, 864 p., 36 euros.

(*) professeur de philosophie à la faculté de théologie protestante de Montpellier. A notamment publié : «Jean Calvin», Pygmalion, 2009.

Mataiea : interview du pasteur Tuteanaiva avant son départ


Le pasteur Tuteanaiva est père de quatre enfants et est âgé de 43 ans (©Charles Taataroa).

Le pasteur Tuteanaiva est père de quatre enfants et est âgé de 43 ans (©Charles Taataroa).
Le pasteur Tuteanaiva quitte la paroisse protestante de Mataiea après cinq années à sa tête. Il revient sur plusieurs sujets : les réformes prises ces dernières années par l’Église protestante ma’ohi, l’alcool à nouveau vendu à Teva i Uta après plus de 30 ans d’interdiction, la jeunesse, l’école du dimanche, mais aussi le projet de réhabilitation du temple de Mataiea. Dimanche, après le culte, une cérémonie est organisée pour fêter son départ. Interview.

Les réformes prises ces dernières années par l’Église protestante ma’ohi (EPM), comme la célébration de la sainte cène, n’ont pas été suivies par l’ensemble des paroisses. Il y a eu des scissions. Comment analysez-vous la situation ?
“Les choses n’ont pas été prises à la légère. Nous sommes fait à l’image de Dieu. En conséquence, on est ma’ohi certes, mais on est aussi fait à l’image de Dieu. C’est cette base philosophique, la culture, qui est mise en avant dans les réformes prises par l’Église, ces dernières années. Nous avons une culture, une identité, une langue. C’est ce qui explique, pourquoi le vin a été remplacé par l’eau de coco et le pain par le ’uru dans la célébration de la sainte cène. Certaines paroisses ont suivi cette réforme, d’autres non. Mais ce qui me réjouit aujourd’hui, c’est que les enseignements continuent et je suis certain que c’est l’esprit de Dieu qui les anime.”

Ça veut dire que les paroisses ont le libre choix face à ces réformes ?
“Non. Ce n’est pas ça. On donne le choix aux paroissiens de réfléchir face à ces réformes. C’est à eux de faire l’effort d’adhérer à cette nouvelle vision des choses. Ce n’est pas évident pour les anciens d’accepter les changements faits au niveau de l’Église. Ils ont leur façon de voir les choses.”

La vente d’alcool a longtemps été interdite à Teva i Uta. Mais depuis l’année dernière, cette vente est désormais autorisée, et c’est la liberté du commerce qui a été mise en avant. Qu’en pensez-vous ?
“Nous avons longuement abordé ce sujet avec le comité directeur du deuxième arrondissement avec l’ensemble des pasteurs. L’interdiction a favorisé les ventes clandestines dans la commune. Il faut dire les choses comme elles sont. À l’époque, l’arrêté municipal interdisant la vente d’alcool à Teva i Uta avait été pris par les élus suite à une bagarre qui a provoqué la mort d’une personne. Aujourd’hui, les nouveaux élus ont suivi une autre direction. À mon avis, on aurait dû mener des actions pour aider les consommateurs d’alcool. C’est à ce niveau-là qu’il aurait fallu agir.”

Vous parliez de ventes clandestines. À Mataiea, l’alcool est vendu illégalement derrière le temple protestant. Vous êtes certainement au courant de la situation ?
“Effectivement. Avant mon arrivée dans cette paroisse il y a cinq ans, le conseil des diacres m’a mis au courant de cette situation. Le conseil est intervenu plusieurs fois auprès de la personne, tout comme l’ancienne maire Valentina Cross. Lorsque je suis arrivé, je suis intervenu à mon tour. Mais pour la décision finale, cela n’est pas de mon ressort. C’est au maire et à son conseil municipal de le faire.”

Quel est votre avis sur la jeunesse. S’intéresse-t-elle à la religion ?
“Tout part de la base, c’est-à-dire de la famille. Si la famille n’essaie pas d’inculquer des valeurs à ses enfants, ils auront beaucoup de difficultés pour évoluer avec la foi. C’est la raison pour laquelle l’école du dimanche a été créée. C’est là que démarre la préparation de tout un chacun pour acquérir la foi. On initie les enfants à la prière et tout se fait en langue tahitienne.
Dans les classes, ils apprennent la grammaire, le vocabulaire et comment écrire en tahitien dans les règles de l’art. Ces apprentissages sont nécessaires pour l’évolution des enfants.
Lorsqu’ils grandissent, ils doivent suivre tout un cheminement et  ceux qui souhaitent aller plus loin, peuvent le faire. Mais depuis que nous sommes dans cette paroisse de Mataiea, je remarque qu’il y a très peu de jeunes qui s’intéressent à la religion. Beaucoup ont des occupations ailleurs, notamment dans le milieu associatif. Mais on continue les enseignements.”

Ces dernières années, on voit beaucoup de jeunes issus des paroisses qui entrent à l’école pastorale d’Hermon pour devenir pasteur. Comment expliquez-vous ce choix ?
“La plupart ont grandi dans les paroisses et ont évolué dans les organisations de Ui Api, l’école du dimanche. Ils maîtrisent bien le fonctionnement de la paroisse et celui l’Église en général. Sans ce cheminement, c’est difficile d’entrer et de suivre l’école pastorale. Maintenant, l’Église donne la liberté. Il y en a qui ont des diplômes et pour ceux qui n’ont rien, il y a toute une préparation pour faciliter leur intégration à l’école pastorale. Elle dure un an et depuis peu, même ceux qui ont des diplômes doivent suivre ce cheminement. Sans cela, c’est difficile. La fonction de pasteur ne doit pas être prise à la légère. On n’est pas pasteur uniquement pour le titre. Non. Pour moi, ce titre ne doit pas nous revenir. Je dirais simplement que nous sommes des serviteurs de Dieu. Maintenant, ce sont des choses qui doivent changer dans les années à venir. Faudra-t-il continuer à nous appeler pasteurs, serviteurs ou tout simplement des employés de Dieu ?”

Pour vous, quelle est véritablement votre mission en tant que pasteur ?
“Mon rôle, c’est de conduire tout un chacun sur la bonne voie pour connaître Dieu. Ma mission n’est pas d’amener des gens à l’Église mais sur la voie de Dieu. Lors de ma thèse à l’école pastorale, j’ai défendu cette idée, c’est-à-dire le vœu de Dieu pour le peuple ma’ohi. C’est ce qui m’anime en ce moment. Comment amener mon peuple sur la voie de Dieu.”

Propos recueillis par C.T.