Le canton met en vente 20 de ses cures, inutilisées par l’Eglise. Il s’agit cette fois de bâtiments classés, ce qui est nouveau
Cures vaudoises à vendre! Vingt de ces édifices vont bientôt être mis sur le marché immobilier par le canton. Les prix seront fixés ces prochains mois. L’Etat espère en dégager un produit de 12 à 18 millions de francs.
Ce n’est pas la première fois qu’un lot de cures est ainsi dispersé. Mais le premier groupe, écoulé entre 2006 et 2012, comprenait 18 bâtiments «sans intérêt patrimonial particulier». Il en va autrement cette fois: ces 20 nouvelles cures sont bien placées au recensement architectural. Elles y portent la note 2, 3 ou 4, ce qui témoigne de leur caractère remarquable et de leur intérêt régional ou local.
Les volets vert et blanc, qu’elles ont quasiment toutes, les identifient comme bâtiments officiels, dans ce canton où l’Etat et l’Eglise continuent de maintenir d’étroites relations. Elles sont marquées aussi par leur région. Près des villes, elles peuvent prendre l’aspect de la maison de maître. Sur les hauteurs, des écrans de tavillons les protègent du gel. Dans les opulentes campagnes du Plateau, le mélange d’éléments ruraux et patriciens trahit leur origine bernoise.
Car nombre des cures vaudoises ont été construites sous l’Ancien Régime pour les pasteurs de Leurs Excellences. Elles forment dans leur variété un ensemble cohérent. «Leur ancienneté, leur dimension, leur autarcie, tout contribue à en faire l’image de la maison idéale», note l’historienne Monique Fontannaz dans un ouvrage qu’elle a consacré à ce patrimoine.
Aujourd’hui, tous les bâtiments proposés à la vente sont vides, ou alors occupés par des locataires sans lien avec l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV). «Il y a trop de cures et le pire, c’est quand les volets sont fermés», a souligné Pascal Broulis, le chef du Département des finances, en annonçant cette mise en vente.
«Une centaine de cures suffisent désormais à nos besoins», confirme le pasteur Xavier Paillard, président du Conseil synodal, avant d’exprimer «la reconnaissance de l’Eglise envers l’Etat, qui met à disposition le logement des pasteurs».
Ces dernières années, l’Eglise vaudoise a dû organiser son repli. Elle a passé de 18 à 11 régions, de 156 à 84 paroisses. Elle compte aujourd’hui 270 collaborateurs, mais nombre de ses pasteurs, lorsqu’ils ne tiennent pas une paroisse territoriale, n’ont plus d’obligation de résidence.
Etant donné que les cures nouvellement en vente ne servent déjà plus aux besoins de l’Eglise, cette nouvelle vague de désengagements devrait passer moins amèrement auprès des pasteurs que les précédents épisodes.
Se séparer des cures, le conseiller d’Etat Charles Favre avait été le premier à l’envisager, il y a une quinzaine d’années, à l’époque pour réduire la dette. Mais une augmentation des loyers lui avait paru préférable. Cette hausse avait été vécue comme un coup d’assommoir par nombre de pasteurs, vu les montants très modiques qu’ils avaient l’habitude de payer. Certains avaient obtenu d’être déliés de l’obligation d’habiter la cure.
Mais louer ses logements au prix «du marché» (les pasteurs à domicile profitent encore d’un rabais d’environ 20%) ne suffit plus à l’Etat. Celui-ci aime être propriétaire des locaux qu’il occupe, explique Pascal Broulis, mais il revendique aussi «le courage de céder des bâtiments qui ne sont plus utiles». C’est l’«optimisation du patrimoine de l’Etat».
La Commission cantonale immobilière va procéder à l’estimation de la valeur vénale des cures. La vente sera publique, les premiers bâtiments disponibles dès le premier semestre 2016. Jusqu’à un million de francs, la vente est de la compétence du Conseil d’Etat, au-dessus elle est de celle du parlement cantonal.
L’Etat ne cherche pas à faire le plus d’argent possible avec ses cures, mais il n’entend pas les brader non plus, a assuré Pascal Broulis. Les communes auront la priorité sur leur territoire, pour autant qu’elles fassent une offre crédible.
Lors de la première série de ventes, Grandvaux n’avait avancé que 100 000 francs pour acheter la cure avec vue imprenable sur le lac, alors que la vente à un particulier en a fait au final la meilleure affaire du lot.
L’Etat de Vaud a mis sept ans pour vendre ses 18 premières cures, qui ont rapporté au total 15,8 millions de francs. Au recensement architectural, elles portaient les notes 5, 6 et 7 (le 7 désignant un objet altérant le site).
Vendre maintenant des édifices remarquables? «Il n’y a pas de tabou», répond Pascal Broulis. Même pour Montpreveyres ou Rossinière, les deux seules cures notées 1 (intérêt national), si elles devaient ne plus avoir d’utilité pour l’Etat. Pour la protection du patrimoine, le canton se veut rassurant: les nouveaux propriétaires seront soumis exactement aux mêmes contraintes que l’actuel.
Une fois ces 20 demeures pastorales supplémentaires vendues, il restera encore 118 cures vaudoises, contre 156 en 2006. Le pasteur Xavier Paillard estime que le dispositif de l’EERV est maintenant stabilisé. Pascal Broulis veut le croire aussi: «On aura toujours besoin de pasteurs derrière les volets.»
Et les 300 églises, qui appartiennent pour la plupart aux communes et se vident, elles aussi? Selon Xavier Paillard, elles devront faire l’objet d’un «grand travail de réflexion».