Le dimanche, des centaines de chrétiens se rassemblent pour prier à Creil où de nombreux lieux de culte se côtoient. Portrait de l’étonnant responsable d’une petite église protestante du centre-ville
Floriane Louison | 01 Août 2015, 12h20 | MAJ : 01 Août 2015, 17h30
Dans la rue Michelet, à Creil, un seul bar reste en activité. En passant sa porte, d’anciens clients retrouveraient leurs souvenirs : des éléments du décor sont toujours là, le comptoir notamment. Aujourd’hui, il ne reste qu’une table, une grande. Chaque jeudi soir, des croyants se rassemblent autour pour lire la Bible.
«C’est une église-maison, explique le locataire des lieux, Tahar Hamdani. Nous habitons ici avec mon épouse et mes enfants et nous accueillons aussi une dizaine de familles pour l’étude biblique, ainsi que pour le culte du dimanche.»
Drôle d’endroit et drôle de vie. Tahar Hamdani est d’origine algérienne, né de parents musulmans. Il a grandi en France «avec un sentiment de révolte», avant de devenir pasteur au sein d’une communauté évangélique, laMission Timothée, installée à Creil depuis peu. Entre les deux… «un long cheminement», dit-il.
«Je suis parti tôt de chez moi, j’étais passionné de musique, c’était ce que je voulais faire de ma vie. Je suis devenu guitariste, je jouais souvent dans la rue, j’ai beaucoup voyagé.» Une jeunesse à la limite de la dérive, selon lui, «avec l’alcool, la drogue, presque clochard par moments à force de bourlinguer. Mon problème, c’était ce sentiment de vide. Je voulais ressentir les choses. J’étais artiste, un peu mystique, pas du tout religieux. La première fois que je suis tombé, par hasard, sur une Bible, ça m’a bouleversé. Un peu plus tard, j’ai rencontré la Mission Timothée. Elle avait un centre d’accueil à Anduze (Gard). J’ai fait une formation de missionnaire pendant trois ans.J’ai aussi commencé à travailler avec eux. Aujourd’hui, j’ai mon entreprise d’audit énergétique. »
Cette mission, fondée en 1972, a été classée dans un rapport parlementaire de 1995 comme secte, avant une marche arrière. Elle ne l’est plus aujourd’hui. Elle est même reconnue d’intérêt général. Pour lui, «en tant que croyant pratiquant, on est mal compris dans la société».
Surtout, quand on n’est pas dans les clous. « Je ne fais jamais de prosélytisme, je ne me sens pas supérieur aux autres dans ma pratique. C’est une démarche personnelle qui, pour ma part, m’a sauvé la vie.Quelques habitants qui me connaissent, ici, à Creil, me posent des questions. Il y a beaucoup de différences dans cette ville, religieuses notamment, et au final les gens se respectent même si, au fond, ils ne comprennent pas toujours.»
A Creil, pas de décompte officiel mais au moins une dizaine d’églises protestantes rassemblent des fidèles chaque semaine. Beaucoup d’entre elles se revendiquent évangéliques. Cette branche du protestantisme est la religion qui progresse le plus dans le monde. En France aussi, notamment en région parisienne et en particulier dans les villes confrontées à des difficultés économiques ou sociales.
« Avoir la foi, quelle que soit sa pratique, c’est donner du sens à sa vie, estime une fidèle des Adventistes du 7e jour , l’une des premières Eglises évangéliques à s’être installée à Creil. Mais, ici, il y a autre chose parce que c’est une Eglise plus proche des gens, elle ne vit pas que les jours de messe mais, avec nous, au quotidien. Les pasteurs parlent simplement, de choses concrètes. »