Parmi eux, la famille Lambert qui vient chaque année nourrir sa foi et retrouver une communauté où le sentiment d’appartenance est primordial.
Des milliers de personnes se pressent sous l’immense tente jaune et bleu, aux fausses allures de chapiteau de cirque, malgré la pluie qui s’abat ce jour-là sur la Moselle. À la tribune, un pasteur pentecôtiste parle vigoureusement de « la patience de Dieu » – le thème du jour –, ponctuant sa prédication de références bibliques, de cantiques et d’anecdotes personnelles.
Dans la foule, sagement assis sur des chaises en plastique gris, Joseph et Nancy Lambert, 31 et 29 ans, écoutent attentivement. Non loin d’eux s’égayent leurs deux enfants, Siloë et Laïley, 6 et 9 ans.
Nourrir sa foi et retrouver sa communauté
Comme des milliers d’autres, les Lambert ont rejoint la convention annuelle de la Mission évangélique des Tsiganes de France (METF), plus connue sous le nom de « Vie et Lumière ». La famille a été parmi les premières à s’installer. Arrivés plus de trois jours avant le début du rassemblement (le 23 août), ils ont pu garer leur caravane à quelques encablures seulement du grand chapiteau, à une dizaine de mètres de la piste de cette base aérienne désaffectée, où se croisent des dizaines de voitures dans une sorte de chaos organisé.
« J’ai toujours grandi là-dedans. Ici, je viens d’abord nourrir ma foi, mais aussi retrouver ma communauté, celle des gens du voyage », détaille Joseph, désormais attablé sous l’auvent de sa caravane. Le jeune homme raconte une enfance sur les routes, au milieu des manèges.
Son père, Désiré, a longtemps été forain, avant que sa santé ne le contraigne à interrompre cette activité. Pasteur évangélique, il l’a initié aux rudiments de la foi, mais n’a jamais « imposé la religion ». « La seule chose qu’il m’a dite est : le jour où tu as besoin de Dieu, crie à Dieu. »
Le baptême
Joseph insiste sur l’importance de cette expérience personnelle, sans laquelle toute foi lui paraît impossible et vide de sens. Il résume la sienne à travers une question : « Est-ce que tu veux être sauvé ? » Cette interrogation, surgie en 2000, le conduit au baptême un an plus tard, dans cette Église dont la marque de fabrique est de ne baptiser que les adultes.
Sa femme, Nancy, est baptisée depuis 2004 : la conversion de sa famille date de la mort de sa mère, lorsqu’elle avait 16 ans, un événement sur lequel elle reste très pudique. « Le Seigneur a été mon rocher et mon secours », précise-t-elle malgré sa timidité, paraphrasant un psaume.
Aujourd’hui, Joseph est devenu pasteur. Après avoir suivi deux sessions de formation biblique, il est autorisé depuis huit ans à prêcher et présider des cultes. Il anime, l’hiver, une église évangélique à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), où il s’établit d’octobre à avril.
Les mois d’été sont quant à eux consacrés à des missions itinérantes d’évangélisation. Mais cette activité pastorale, bénévole, ne l’exonère pas de travailler. Élagueur, il cherche ses employeurs sur les marchés. « Pour nourrir mes enfants, je coupe des arbres », résume-t-il en souriant.
Évangélisation
Siloë et Laïley sont encore trop petits pour se rendre ce soir à la tente des jeunes, qui accueille chaque jour les adolescents du rassemblement. Ses espoirs pour leur avenir ? « Mon désir de pasteur est qu’ils rencontrent Jésus. J’aimerais qu’ils aient un avenir, un petit travail et un foyer chacun. » La cadette fera la semaine prochaine son entrée au CP. L’aîné suit les cours par correspondance. Le jeune père a fait de l’éducation une question prioritaire. « J’ai appris à lire à 13 ans. C’est trop tard. Je ne veux pas que mes enfants reproduisent le même schéma. »
Cet été, la famille a sillonné les routes de France, en mission d’évangélisation. Avant cela, Joseph a participé à la retraite annuelle des gens du voyage, à Nevoy (Loiret), là où se rassemblent chaque année les membres des 134 missions coordonnées par Vie et Lumière.
La « saison des missions » débute toujours ainsi, et s’achève à la convention annuelle. « Cette année, on a tourné en Midi-Pyrénées », détaille Joseph. Huit villes dans lesquelles il reste 15 jours en moyenne. Au total, entre 50 et 70 caravanes se joignent à tout ou partie de ces étapes. Parmi eux, des évangéliques convaincus, ou des indifférents à la foi. C’est eux que le jeune pasteur entend d’abord évangéliser.
L’indifférence
Dans son petit camion, qu’il utilise aussi pour travailler, un petit chapiteau permet d’abriter ceux qui viennent assister aux cultes et aux prédications des sept pasteurs qui participent à la tournée estivale. « On évangélise d’abord notre peuple, mais nous n’avons rien contre la présence de sédentaires », insiste-t-il.
Sur la trentaine de fidèles qui fréquentent chaque semaine son culte évangélique pendant les mois d’hiver, la moitié ne sont d’ailleurs pas des Gitans. Il reste que les relations avec les sédentaires sont encore difficiles. « Le regard change peu à peu, mais il y a encore du boulot », reconnaît le jeune pasteur. « En réalité, nous souffrons plus de l’indifférence que des insultes. Nous sommes plus souvent vus comme des voleurs de poules que comme des annonciateurs de la Bonne Nouvelle. »
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Repères
La convention estivale de « Vie et Lumière » réunit tous les ans plusieurs milliers de personnes issues de la communauté des gens du voyage, venues principalement de France mais aussi de Belgique ou du Royaume-Uni. Cette année, près de 30 000 personnes ont répondu à cette invitation. 6 000 caravanes sont ainsi stationnées jusqu’à dimanche sur l’ancienne base aérienne de Grostenquin, prêtée par l’État pour l’occasion.
Le mouvement Vie et Lumière est né au début 1950 dans le contexte du « réveil tsigane », à l’initiative du pasteur pentecôtiste Clément Le Cossec, surnommé « l’apôtre des Gitans ». Aujourd’hui, le mouvement compte 260 églises et 1 800 pasteurs.
Loup Besmond de Senneville (à Grostenquin en Moselle)