Dans la salle du conseil municipal de samedi matin, les conseillers, plusieurs présidents d’associations, humanitaires ou pas, un évêque, des pasteurs, un rabbin. Et beaucoup de bonnes volontés.
Agen a rendez-vous avec l’Histoire. Le débat républicain qui se déroula dans la salle des Illustres de la mairie fit grand honneur aux femmes et aux hommes qui y participèrent. De quoi vous réconcilier avec le genre humain, si toutefois, vous le trouviez quelque peu décevant ces derniers temps !
Comme dans tous débats, il fallait bien qu’il y ait le «contradictoire». Il vint, du côté du Front national, chacun s’y attendait.
La cause d’un tel moment «qui restera inscrit dans les archives du conseil municipal» : l’accueil des réfugiés.
«Le drame du Moyen-Orient et de l’Afrique Subsaharienne a mis sur la route des centaines de milliers de réfugiés. Nous sommes face à un problème de conscience» annonça le maître de cérémonie, Jean Dionis. Il s’agissait d’introduire une délibération de principe sur l’accueil de quelques familles de réfugiés reconnus demandeurs d’asile à Agen. Une commission extra-municipale, présidée par le grand argentier de la municipalité Bernard Lusset, est mise en place, composée de conseillers de la majorité et de l’opposition, ainsi que de représentants d’associations agenaises. Un inventaire des logements sociaux vacants est en cours. Il ne suffira pas de loger les nouveaux venus, il faudra aussi leur accorder l’accès aux soins, aux établissements scolaires… En coordination avec les services de l’Etat qui chapeaute ce grand événement dont Agen compte bien «prendre sa part» dixit Jean Dionis.
«L’accueil de ces réfugiés est une question complexe qui met en résonance d’autres débats» poursuivait le maire. «Est-il légitime de mettre en œuvre les moyens sociaux pour les accueillir correctement alors que la misère est aussi chez nous ? Nous mesurons nos limites à cet accueil et nous n’arrêtons pas de réfléchir à ce qu’il se passe en Afrique Subsaharienne et au Moyen-Orient. Il reste que des milliers de personnes fuient la guerre en Syrie. Elles vont vers l’Europe, pour survivre, y reconstruire une vie. Celles et ceux qui se sont mis en route ont une détermination absolue de survie.» Avant Noël, seront présentés en conseil, les détails du plan d’accueil élaboré par la commission extra municipale agenaise. «Cela relève de la compétence de la ville et non de l’agglomération» précisa Jean Dionis pour qui avait avancé l’idée de passer le dossier à l’Agglo. Alors le débat commença…
36 votes pour le principe d’accueil, 3 contre
> JEAN-PHILIPPE MAILLOS, Front de gauche.« La position de la majorité de ce conseil est digne. Mais attention au risque du tri qui provoquerait l’oubli d’une immigration qui existe déjà. J’ai lu des propos au sens monstrueux qui sous-entendaient entre autres que les pays arabes devraient accueillir leurs musulmans ! Il n’y a pas d’alternative à l’accueil des réfugiés. »
> HÉLÈNE COLLET, Front national. «Nous dénonçons la confusion sémantique entre l’immigration politique et le droit d’asile. Le droit d’asile est utilisé comme une nouvelle filière de l’immigration. Il n’est pas un droit collectif à s’installer chez nous. Nous demandons l’expulsion immédiate des déboutés du droit d‘asile. La France n’a plus les moyens d’un processus qui n’a que trop duré. Nous demandons la consultation des Agenais par voie de référendum local.»
> MURIEL BOULMIER, majorité.« Il ne faut pas craindre l’accueil. Le département est composé de 25 nationalités différentes. Ceux qui viennent de pays en guerre ont droit d’asile durant un an, renouvelable. Nous accueillerons ceux qui en ont besoin, correctement et en nombre limité. »
> CATHERINE PITOUS, Parti socialiste. «Si le département n’avait pas accueilli cette vague d’étrangers au début du siècle dernier, je ne serai pas là aujourd’hui. Et si les personnes issues de l’immigration quittaient cette table, il ne resterait plus grand-monde. Nous devons avoir une attitude responsable et je suis choquée par certains propos qui me font mal.»
> JEAN-MAX LLORCA, majorité. « Les réfugiés qui arrivent maintenant ne représentent que 0,3 % de tous les immigrés accueillis en France ! »
> EMMANUEL EYSSALET, Parti socialiste. : «Les centres d’accueil des demandeurs d’asile alertaient déjà que la France manquait de places d’accueil.»
> MOHAMED FELLAH, majorité. «Non, ce n’est pas une invasion. Il ne s’agit que de 20 000 ou 30 000 réfugiés. La France, tous les ans, accueille 200 000 personnes. Une, deux ou trois familles, et le FN dit que l’on programme un accueil massif à Agen ! Tous les jours des immigrés s’installent ici. Ce que l’on propose est presque symbolique. Nous avons aussi le droit d’écouter notre cœur tout en faisant de la politique. »
> BERNARD LUSSET, majorité, présidera la commission extra municipale sur l’accueil des réfugiés à Agen. «Le logement est la question la moins compliquée. Nous saurons trouver les logements nécessaires, nous saurons aussi scolariser les enfants. Mais la ville ne sait pas tout faire. Ces familles ont besoin d’un accompagnement professionnel, médical, social… Le tissu associatif, qui œuvre avec les services de l’Etat, nous aidera. Nous allons faire en sorte de les accueillir au mieux.»
> JON GARAY, Parti socialiste. « Je salue le front républicain de cette assemblée. Restons dans cette solidarité, sans y mêler la politique. »
Trente-six conseillers votèrent pour la délibération de principe d’accueillir des familles de réfugiés à Agen. Trois s’y sont opposés : Hélène Collet, Alain Ribère et Christiane Cassan-Gabriele.