Communiqué de la Conférence des Pasteurs Haïtiens (COPAH)
Soumis à AlterPresse le 26 novembre 2015
La Conférence des Pasteurs Haïtiens (COPAH) dénonce un complot visant à faire basculer le pays dans l’anarchie la plus totale avec la publication des résultats définitifs du premier tour de l’élection présidentielle du 25 octobre dernier entachée de fraudes massives et d’irrégularités de toutes sortes. Par cet acte de crime de haute trahison contre la nation, le conseil électoral et le pouvoir exécutif compliquent davantage une situation déjà trop fragile.
Ces deux entités font feu de tout bois pour imposer un inconnu à la tête du pays à travers d’élections taillées sur mesure, en collaboration avec la Communauté internationale réunie sous le label tristement célèbre « Core Group ». La visite de Fanmi Lavalas au Centre de Tabulation des Votes aux fins de vérification, suite à une décision du Bureau du Contentieux Electoral National (BCEN), montre l’ampleur du scandale impliquant jusqu’au cou notamment l’Institution Electorale censée organiser les joutes pour renouveler le personnel politique haïtien.
La COPAH prend acte de ce que le CEP et le pouvoir en place s’appuient sur le Core group pour précipiter le pays dans une crise électorale sans précédent et dans l’instabilité politique et sociale dont les conséquences peuvent se révéler à la fois catastrophiques et incalculables pour les différents secteurs. Ces trois entités s’associent pour entrainer le pays dans le chaos général afin que, dans la confusion totale qu’elles créeront, elles puissent mieux s’accaparer de ce qui reste des maigres ressources du pays.
La COPAH estime que plus qu’une provocation, c’est une déclaration de guerre que le CEP, le régime Tèt Kale (crâne rasé) et le Core Group viennent de faire au peuple haïtien qui, le 7 Février 1986 a rejeté la dictature sur toutes ses formes et opté pour la démocratie participative et l’alternance politique. Aujourd’hui, les apatrides qui travaillent contre les intérêts nationaux doivent se souvenir d’au moins une chose ; ce qui se passait en 1957 et qui a duré jusqu’à 1986, ne pourra pas se reproduire en 2015. Les temps ont changé, les choses ont évolué et le peuple haïtien devient plus mature politiquement. C’est pourquoi, les haïtiens doivent s’organiser et se mobiliser dans un élan de solidarité active et de vigilance patriotique pour se défendre contre ses agresseurs.
En réalité, le comportement du CEP, du pouvoir en place, du Core Group et leurs thuriféraires participe d’une vaste conspiration contre la démocratie et le progrès du peuple haïtien. Ces trois entités seront certainement tenues responsables de ce tout ce qui peut arriver au pays. Déjà, sur recommandation de la cheffe de la MINUSTAH, Sandra Honoré, le pouvoir qui a transformé la police en une véritable milice politique, se lance dans la répression aveugle et des persécutions politiques à l’encontre de l’opposition démocratique. Le 18 Novembre 2015, lors d’une manifestation pacifique de l’opposition, au moins une personne a été tuée par balle et plusieurs autres blessées dont deux candidats à la présidence et un sénateur en fonction. Depuis plusieurs semaines, des partisans du candidat officiel, Jovenel Moïse, rendent la vie difficile à la population de Trou-du-Nord. D’un autre côté M. Jovenel Moïse a fait montre d’une soif démesurée du pouvoir en incitant ses partisans à faire usages de leur « marchettes bien aiguisées » pour défendre leurs intérêts. Il serait donc prêt à tout pour arriver au pouvoir.
Jusqu’ici, ni le gouvernement, ni le Core Group n’a eu la décence morale pour condamner ces actes ignobles qui sont contraires aux principes démocratiques et de l’Etat de droit. Presque toutes les manifestations de l’opposition sont réprimées brutalement par la police politisée et totalement dévouée au service quasi exclusif du pouvoir. Les opposants qui manifestent contre le régime en place n’atteignent jamais leur destination finale. Les manifestations sont interrompues ou dispersées à coup de gaz lacrymogène, de balle en caoutchouc, de balle réelle ou encore à coup de matraque. Les policiers ont tout simplement été ensauvagés par ceux qui veulent maintenir le pouvoir à tout prix et établir une nouvelle dictature en Haiti avec le soutien d’un secteur de la communauté internationale. Le respect des droits de l’homme a beaucoup régressé. La démocratie est en péril. Et l’avenir du pays est incertain.
Le comportement proconsulaire de certains ambassadeurs accrédités en Haiti qui convoquent les hommes politiques quand bon leur semble pour les passer des ordres prend une allure extrêmement inquiétante qui doit interpeller la conscience collective et patriotique. Cela devient plus inquiétant lorsque ceux-là qui sont souvent considérés comme les forces morales du pays s’enfoncent dans un silence complice. La COPAH estime qu’il n’est ni normal ni politiquement correct que l’Eglise et les hommes de Dieu se taisent devant les injustices, la violence économique et sociale dont la population est victime. Il est absolument contraire à l’évangile de Christ que les pasteurs se rangent du côté des oppresseurs et non des plus faibles. Le prétexte selon lequel les chrétiens doivent rester en dehors de la politique souvent brandi pour justifier l’indifférence des hommes de Dieu par rapport à la souffrance de la population ne tient plus. Et les exemples sont là pour le prouver. Si dans les années 50, Dr. Martin Luther King ne s’impliquait pas dans la lutte contre la ségrégation raciale, les noirs n’auraient certainement aucun droit aux Etats-Unis. Arrêtons de jouer les faux-fuyants et assumer notre responsabilité vis-à-vis du peuple de Dieu en tant que bergers.
L’heure du réveil national a sonné. Devant la menace de l’instauration d’une dictature dans le pays, la COPAH appelle à l’unité des forces démocratiques pour faire échec à ce plan macabre. Les élites haïtiennes doivent conjuguer leurs efforts afin d’offrir une alternative viable qui permettra au pays de recouvrer sa souveraineté et d’emprunter la voie du progrès et du développement durable. Le pays roule tout droit vers une catastrophe si rien n’est fait pour résoudre la crise électorale provoquée par le CEP, le Core Group et le pouvoir en place. C’est le moment ou jamais où ceux qui croient encore en l’avenir d’Haïti et qui ne veulent pas laisser un pays plus lamentable à leurs enfants et leurs petits enfants de s’engager résolument dans la lutte pour l’émancipation du pays.
Que Dieu veille sur Haïti et l’épargne de nouveaux malheurs !
Port-au-Prince, le 26 novembre 2015
Rév. Ernst Perre Vincent
Président
Rév. Jean Denavard Tranquilus
Secrétaire exécutif