Il était annoncé le 7 décembre dernier à Bujumbura, au Burundi. Mais finalement, son avion n’y a pas atterri. Le président béninois, Boni Yayi, puisque c’est de lui qu’il s’agit, devra encore patienter avant de jouer les médiateurs dans la crise burundaise. Que s’est-il donc passé ? Difficile d’y répondre pour l’instant, tant la confusion est énorme. Seulement, on sait que les autorités burundaises disent n’avoir pas été associées à la démarche de l’Union africaine (UA) qui a demandé à Boni Yayi de «se rendre dès que possible au Burundi pour tenter de débloquer la situation». Un choix qui est loin d’être fortuit, quand on sait que Boni Yayi et Pierre Nkurunziza sont tous deux des évangélistes en plus d’être des francophones. Toute chose qui aurait pu constituer un atout. Car, de l’entretien entre les deux hommes de Dieu, pouvait sortir la bonne nouvelle tant attendue. On était en droit de l’espérer d’autant plus que quand deux pasteurs se rencontrent, c’est, en principe, l’Esprit-saint qui les accompagne et les éclaire. Dommage donc que les deux pasteurs n’aient pas pu se rencontrer au grand bonheur des Burundais qui souffrent dans leur chair. On imagine donc que Nkurunziza n’a pas voulu de la visite de son homologue pasteur pour la simple raison qu’il croyait que l’homme venait lui demander, en bon fils de Dieu, de quitter le pouvoir pour éviter les tueries qui ont cours au Burundi. Les chiffres font froid dans le dos. On parle de plus de deux cents morts sans compter les nombreux déplacés qui ont fui le pays. Nkurunziza, à vrai dire, est allé trop loin pour reculer. C’est pourquoi il préfère s’accommoder de la médiation de son voisin Yoweri Museveni qui, on le sait, travaille plus à le maintenir dans son fauteuil qu’à trouver une issue heureuse à la crise. En témoignent ses nombreuses manœuvres dilatoires qui ont permis à Nkurunziza de gagner du temps.
Nkurunziza ne veut pas se voir imposer un nouveau médiateur
Si fait qu’aujourd’hui, il est beaucoup moins question du départ de Nkurunziza que de dialogue inter-burundais incluant tous les protagonistes de la crise. Or, un tel dialogue, s’il a lieu, fera l’affaire du pouvoir burundais qui aura tout le loisir d’en fixer les modalités. Donc, en un mot comme en mille, Nkurunziza ne veut pas se voir imposer un nouveau médiateur qu’il connaît à peine, fût-il évangéliste ou pasteur. Cela dit, en récusant le médiateur Boni Yayi, le président Pierre Nkurunziza a voulu envoyer un message fort à l’UA qui, faut-il le rappeler, a fait montre d’une irresponsabilité et d’une inconséquence notoires face à la crise burundaise. Nkurunziza refuse toute médiation qui viendrait remettre en cause son pouvoir. En tout cas, il revient au président Boni Yayi de tirer toutes les leçons de ce geste inamical de son coreligionnaire qui l’a désavoué d’entrée de jeu, en avançant des arguments qui ne tiennent pas la route. Mais comme le dit l’adage, «à quelque chose malheur est bon». Car, il faut le dire, le choix de Boni Yayi sur la base de sa proximité religieuse avec le président Nkurunziza, avait de quoi donner de l’urticaire à plus d’un. C’est la preuve que l’Afrique manque de chefs d’Etat de grande stature, dont la voix porte. A défaut de confier le dossier au président Jacob Zuma dont le pays a parrainé l’accord d’Arusha qui vient d’être ainsi malmené, l’UA gagnerait à porter désormais son choix sur certains anciens chefs d’Etat comme Alpha Omar Konaré ou Joachim Chissano qui, forts de leur gouvernance vertueuse, n’hésiteront pas à cracher leurs vérités au dictateur Nkurunziza. Mais en attendant, le boucher de Bujumbura reste droit dans ses bottes, dans une logique implacable du pis-aller.
Boundi OUOBA