… servir dans l’un ou l’autre des nombreux lieux de culte protestant de cette province côtière qui figure au rang des plus prospères du pays.
Après validé leur formation en théologie puis servi un minimum de six ans dans une église locale, ces trente-et-un candidats avaient demandé – et reçu – des différentes autorités civiles et religieuses compétentes l’autorisation de recevoir l’imposition des mains et devenir pasteur.
Dans la chapelle du séminaire, qui accueille chaque année une semblable cérémonie d’ordination, la liturgie a duré un peu moins de trois heures ; elle a réuni des chrétiens venus de toute la province ainsi que dix-sept officiants. Après la série, classique, de chants, lectures bibliques et prédication, chacun des candidats s’est agenouillé à tour de rôle au centre du chœur pour recevoir l’imposition des mains par un groupe de plusieurs pasteurs assemblés autour de lui/elle. Le supérieur de la maison qui présidait la cérémonie a prononcé à chaque imposition la formule requise de consécration – une longue oraison trinitaire –, puis le/la candidat(e) a reçu l’étole et la Bible, avant de se relever tout en étant applaudi par l’assistance.
Une fois tous les candidats ordonnés, le supérieur du séminaire a pris le micro pour un mot de félicitation et une explication en trois points de la mission du pasteur dans la Chine d’aujourd’hui. Si les points un et trois étaient assez classiques dans l’appel au soin du troupeau, au courage, à la frugalité, à l’honnêteté, à l’étude assidue et à la modestie, le point deux attire plus particulièrement l’attention. En effet, le supérieur a expliqué l’importance pour les pasteurs d’« accompagner la sinisation de l’Eglise en Chine » – thème fortement encouragé par le gouvernement.
D’après le prédicateur, la sinisation revêt la nécessité de servir pleinement la société, de se préoccuper concrètement des Chinois d’aujourd’hui et donc de développer autant que possible les services sociaux mis en œuvre par les communautés protestantes. Le prédicateur n’a pas manqué, de plus, de préciser que le plus haut service que l’Eglise puisse rendre reste l’annonce de l’Evangile. On peut y voir une réponse adroite aux demandes du pouvoir communiste, qui tolère les religions pour autant que celles-ci contribuent au maintien de « la stabilité sociale », tout en préservant sauf le cœur du message évangélique, à savoir l’annonce de la bonne nouvelle de Jésus Christ à la société chinoise.
La relative importance du nombre des pasteurs ordonnés ce 18 décembre contraste avec l’absence depuis trois ans de toute ordination sacerdotale dans la partie « officielle » de l’Eglise catholique dans la province du Fujian (les données pour la partie « clandestine » de l’Eglise catholique ne sont pas disponibles mais aucune ordination récente n’y a été rapportée). Cette relative abondance souligne aussi le relèvement et la croissance des structures protestantes dans cette région du pays.
Dans les années qui ont suivi la mise en place des réformes initiées par Deng Xiaoping (à partir de la fin 1979) et la réouverture des institutions religieuses (fermées durant la Révolution culturelle, 1966-1976), la formation des pasteurs chinois s’est lentement améliorée. Au départ, dans les années 1980 et 1990, il ne restait que de rares pasteurs âgés formés par les missionnaires occidentaux pour enseigner les pasteurs plus jeunes. Petit à petit cependant, avec des apports venus souvent de l’étranger, les séminaires ont repris vie. Cette renaissance a été opérée au sein du Mouvement patriotique pour les trois autonomies, l’instance mise en place en 1950 par le gouvernement pour enregistrer les protestants sans plus aucune distinction entre anglicans, presbytériens, luthériens, etc. (1).
Aujourd’hui, une vingtaine de séminaires et écoles bibliques « officiels » existent au niveau provincial, tandis qu’au plan national, le séminaire protestant de Nankin (ou Nanjing, dans la province du Jiangsu) continue d’être le principal centre de formation des pasteurs protestants. Année après année, ces différentes institutions forment des pasteurs à même d’accompagner l’essor très réel – bien que difficile à quantifier – du protestantisme en Chine.
(eda/ra)