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Le pasteur Gilles BOUCOMONT, un des initiateurs du mouvement des Attestants. / Jean-Mathieu GAUTIER/CIRIC/
Créer un nouveau mouvement protestant. Entre 200 et 250 personnes étaient réunies dans l’Est parisien, samedi 16 janvier, pour lancer le courant des « Attestants » au sein de l’Église protestante unie de France (EPUdF).
L’idée de créer ce courant, notamment initié par les pasteurs Gilles Boucomont et Caroline Bretonès, qui officient tous deux au temple protestant du Marais, à Paris, est née au printemps 2015, quelques jours après l’adoption, par les représentants de l’EPUdF, de la possibilité de bénir les couples homosexuels. Il réunit des opposants à cette décision.
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Le renouveau
Au-delà de la question de la bénédiction des couples homosexuels, il s’agit, selon le texte adopté samedi, d’un « mouvement de chrétiens attestant leur foi en Jésus-Christ Seigneur et sauveur, soucieux de l’autorité souveraine de la Parole biblique pour la vie des croyants, priant pour le renouveau de la foi au sein de l’Église protestante unie de France, et œuvrant pour la croissance de l’Église ».
« Aujourd’hui, le seul courant structuré dans notre Église est le courant libéral », déplore Caroline Bretonès. Elle évoque notamment une forte influence de cette sensibilité dans les institutions de l’EPUdF, ainsi qu’à l’Institut protestant de théologie, à Paris, et qui forme une grande majorité des pasteurs de l’Église unie. « Il s’agit d’un courant assez dominant, poursuit-elle. Or, la diversité proclamée par notre Église doit être vécue jusqu’au bout. Ce n’est pas le cas aujourd’hui : nous voulons une vraie diversité. »
Formations complémentaires
D’où la nécessité, pour les instigateurs des Attestants, de créer des « formations complémentaires » pour les laïcs et les pasteurs qui le souhaiteraient, « notamment sur la prière ou l’accompagnement spirituel ». Ils évoquent aussi la publication d’une revue, pour se faire le pendant d’Évangile et Liberté, porté par le courant protestant libéral.
Issue de la fusion de l’Église réformée de France et de l’Église évangélique luthérienne de France, l’Église protestante unie de France (EPUdF) est née en 2012. 250 000 fidèles fréquentent régulièrement ses 480 paroisses. En tout, cette Église compte 500 pasteurs, dont un tiers de femmes.
Demande de « pardon » à Dieu
Au cours des débats, la décision d’accorder aux pasteurs la possibilité de bénir les couples homosexuels, prise en mai 2015 à Sète (Hérault), a été largement abordée. Lors du culte du matin, le célébrant a demandé « pardon à Dieu » pour « la décision du synode », mais aussi pour les réactions de « colère » exprimées à cette occasion, par ceux qui s’opposaient aux bénédictions. La pasteure Nicole Deheuvels, conseillère conjugale en région parisienne, a quant à elle évoqué un « épisode douloureux » pour l’Église unie.
Autre sujet abordé durant cette journée : les méthodes de décision au sein de l’Église, beaucoup de participants remettant en cause la représentativité du « Synode national », qui réunit chaque année des délégués protestants, pasteurs et laïcs, de toute la France. « Je connais une ou deux personnes qui disent qu’elles se sont fait un peu avoir pendant le Synode », avance pour sa part le président des attestants, Alain Chapon, un laïc qui préside par ailleurs le conseil presbytéral de sa paroisse, à Clermont-Ferrand.
Éviter le « consensus mou »
La majorité des membres présents n’ont pas, pour autant, l’intention de quitter l’Église protestante unie de France. « C’est une tentation qui m’a effleuré lorsque j’ai appris la décision de Sète, admet Christophe Desplanque, pasteur à Agen. Mais il m’est rapidement apparu que je n’avais pas le droit de quitter le navire en pleine tempête. Au fond, je suis attaché à mon Église. C’est elle qui m’a fait connaître le Christ, et qui m’a fait grandir dans la foi. »
Le pasteur a été l’un des premiers à rejoindre les Attestants. « Je veux croire qu’il est possible de vivre une pluralité dans notre Église sans être dans une forme de consensus mou. »
Peser dans les décisions
Outre la création d’une revue, de modules de formations, mais aussi l’établissement de relations avec d’autres Églises protestantes à l’étranger, les Attestants souhaitent peser dans les prises de décision de l’Église unie. Et leur première occasion de se faire entendre est déjà choisie : les dirigeants de l’EPUdF se sont en effet fixés pour objectif de s’accorder d’ici à 2017 sur une nouvelle « déclaration de foi », « énonçant en un langage simple les convictions fondamentales que partagent ses membres ».
Déjà, le pasteur Desplanque prévient : « Aujourd’hui, je crois fermement qu’une nouvelle division serait un échec. Mais si dans deux ans, la déclaration de foi doit devenir une bouillie inconsistante, je dirai peut-être autre chose. »
Loup Besmond De Senneville