La Chine s’est éveillée
En Chine, le nombre des catholiques et des protestants augmente plus vite que celui des vocations sacerdotales
par Philippe Barret
En Chine, la religion, particulièrement la religion chrétienne, est un problème marginal. L’immense majorité des Chinois ne dénigrent nullement les religions, qu’ils considèrent comme autant de traditions respectables ; mais ils sont pour la plupart athées. Quand ils visitent un temple bouddhiste, ils brûlent volontiers un bâton d’encens. Cela ne signifie pas qu’ils sont bouddhistes.
Et l’agence Chine-nouvelle peut bien publier des photographies des plus belles églises du pays, le plus souvent construites à la fin du XIXe siècles ou au début du XXe, sous le régime républicain – Tchang Kaishek était lui-même chrétien – et souvent rénovées, elle les présente seulement comme de beaux endroits pour se marier.
Et c’est ainsi que les Chinois les considèrent.
Cependant, le nombre des chrétiens augmente. On estime qu’il y a aujourd’hui 6 millions de catholiques et 30 millions de protestants – pour une population de 1,375 milliard d’habitants.
Or les personnels nécessaires à l’encadrement font défaut. D’après la conférence des évêques catholiques chinois, les fidèles de cette religion sont desservis par 3 316 prêtres et 5 622 moniales, dans 106 paroisses. Le nombre des recrues pour la prêtrise a fortement diminué au cours des dernières années. Moins de 800 prêtres reçoivent une formation pour exercer leur ministère dans quelque 10 grands séminaires. Récemment, le vice-président de l’association patriotique des catholiques chinois le reconnaissait : “La pénurie des nouvelles recrues est un problème majeur pour l’église catholique en Chine”. Beaucoup de petits séminaires ont la taille d’une petite école rurale, avec un ou deux stagiaires recrutés chaque année.
“On estime qu’il y a aujourd’hui 6 millions de catholiques et 30 millions de protestants – pour une population de 1,375 milliard d’habitants”
Les pasteurs protestants sont plus nombreux : 5 000 environ, auxquels il faut ajouter 190 000 dirigeants de groupe bénévoles. Le président du comité permanent du conseil chrétien (protestant) de Chine déclare : “La pénurie peut facilement être vue à partir des chiffres. Dans chaque paroisse, un pasteur doit servir entre 5 000 et 10 000 adeptes. La situation idéale est d’avoir un pasteur pour 150 disciples”. Même si cette exigence est un peu élevée, l’encadrement des protestants est incontestablement insuffisant. Chaque année, 800 diplômés sortent des séminaires, alors que 400 000 à 500 000 enfants sont baptisés protestants.
Pourquoi cette pénurie ? Sans doute l’affichage d’une appartenance au catholicisme ou au protestantisme n’est-il pas un facteur favorable à la poursuite d’une carrière administrative. Mais ce qui paraît déterminant, c’est la hausse du niveau de vie : les hommes susceptibles de devenir prêtres ou pasteurs appartiennent en général à la classe moyenne, où l’attrait d’une vie confortable n’est pas une incitation à devenir ecclésiastique.