Sa grève de la faim ravive la crise au sein de l’Eglise réformée

Gréviste de la faim depuis jeudi, Daniel Fatzer est scandalisé par son licenciement de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV). Le ministre occupe jour et nuit l’église Saint-Laurent, à Lausanne, où il officiait depuis 2011 en usant de méthodes pastorales parfois décoiffantes. «Je ne bougerai pas tant que je n’aurai pas obtenu ma réintégration sans condition», dit-il. Il demande en outre «la création urgente d’un conseil de sages». Cette situation a provoqué des interpellations au Synode (lire ci-contre).

Avant le licenciement de Daniel Fatzer «avec effet immédiat», prononcé par le Conseil synodal mercredi, la conseillère d’Etat Béatrice Métraux a tenté de jouer les bons offices en convoquant une séance de médiation. Un échec, les discussions n’ayant pas permis de trouver un terrain d’entente.

Daniel Fatzer dénonce des «méthodes de gestion du personnel brutales» et, selon lui, «dignes d’une république bananière». Certes, la déontologie ne lui permettait pas de citer nommément sur les ondes d’Espace 2 un collègue licencié par l’Eglise il y a quelques semaines. «C’était un signe, un appel au Conseil synodal, dit-il, et on ne renvoie pas quelqu’un avec effet immédiat pour cela.»

L’EERV a donc licencié deux pasteurs ces derniers jours. Ils s’ajoutent à trois autres licenciements ces deux dernières années, contestés par les intéressés, dont celui de Daniel Nagy, en 2014. Celui-ci a attaqué l’EERV aux Prud’hommes. «Tout cela m’attriste et me désole, disait-il hier au téléphone. Le Synode a pris conscience qu’il y avait un problème, puisqu’il a décidé de créer une commission des litiges. Et pendant ce temps-là, l’autorité de l’Eglise continue de se montrer intransigeante et de couper les têtes qui dépassent.»

«Le Synode a pris conscience qu’il y avait un problème, puisqu’il a décidé de créer une commission des litiges»

Président de la Ministérielle (association professionnelle des pasteurs et diacres vaudois), Eric Bornand se dit préoccupé: «Nous lançons l’alerte depuis longtemps sur le durcissement des ressources humaines au sein de l’Eglise. Il n’y a aucune amélioration, la situation s’est même péjorée», regrette-t-il. Précisant que cette question «provoque des inquiétudes et des tensions» au sein de la Ministérielle. Il observe «à la fois des comportements inadéquats de la part de certains pasteurs et des décisions disproportionnées de l’autorité».

Séparation avec l’Etat en cause

Pourquoi cette situation? Selon Eric Bornand, la crise est née avec la séparation de l’Eglise réformée avec l’Etat de Vaud, en 2007: une révolution copernicienne «que personne n’était prêt à affronter». Le changement de statut de l’institution et de ses ministres, qui ont cessé d’être des fonctionnaires, se trouve compliqué par la renégociation actuelle de la convention collective de travail (CCT). «Une culture d’entreprise change progressivement dans la douleur», commente le journaliste Michel Kocher, directeur de Médias-pro (service protestant des médias).

Dans ce contexte turbulent, le Conseil synodal «tient à une exigence de respect et de professionnalisme accrue de la part des pasteurs», affirme un proche du dossier. «J’en réfère d’abord à Dieu et à ma conscience», rétorque Daniel Fatzer. Il dit effectivement regretter le temps où les pasteurs étaient des employés de l’Etat. Sa grève de la faim ravive en tous les cas une crise de fond. (24 heures)

(Créé: 18.06.2016, 08h41)