À l’église St-Laurent à Lausanne, le pasteur Daniel Fatzer entame sa deuxième semaine de grève de la faim. Son employeur, le conseil synodal de l’Eglise réformée, campe sur ses positions et maintient son licenciement. Tandis qu’un comité de soutien s’est formé autour de l’homme d’Eglise dans la capitale vaudoise; insolite, l’avocat genevois Marc Bonnant, qui ne place pourtant pas la piété au centre de ses vertus, lui manifeste son appui.
Le Temps: Vous avez rencontré Daniel Fatzer et Jean Chollet, les deux pasteurs de l’église St-Laurent, il y a trois ans, lorsqu’à leur demande, vous avez plaidé la défense de Judas durant un culte. Le spectacle et le spectaculaire sont-ils nécessaires aujourd’hui pour remplir un temple?
Marc Bonnant: Ces deux personnages prônent la joie comme chemin, et non comme but ultime. Leur hédonisme est remarquable. Avec eux, la foi est joyeuse, la profondeur légère et la légèreté n’est pas une futilité. Cela tranche avec l’art de la contention et de la rétention que prescrit le Protestantisme. Un protestant qui rit est une anomalie théologique. Un pasteur gai est un oxymore.
La manière dont prêche un pasteur relève de la liberté d’expression
– Daniel Fatzer est aujourd’hui licencié parce qu’il a, sur les ondes, nommément cité un collègue licencié par l’Eglise. Ne sanctionnez-vous pas son non-respect de la hiérarchie?
– Qu’y a-t-il de plus chrétien que de prendre part à la détresse de son frère? Porter le destin de l’autre, accueillir son espérance, voilà ce que la Bible nous enseigne. Il a bafoué la hiérarchie administrative, pour respecter la parole de Dieu. Rappelez-vous: la loi d’Antigone est plus forte que la loi de Créon.
– Son licenciement devrait donc, selon vous, être suspendu?
– Je ne connais pas le dossier. Mais si c’est sa manière inorthodoxe de pratiquer que l’on sanctionne, je trouve très grave de dicter à un homme de Dieu la façon dont il doit parler de la Foi. Si à ses côtés, comme je l’ai vu dans ses cultes, les hommes et les femmes poussent en hauteur, c’est qu’il fait juste. Si les âmes sont plus tranquilles en sortant de son prêche, que les comportements sont plus harmonieux, le but est atteint. Et la manière dont il le fait relève presque de la liberté d’expression.
– Les deux parties campent aujourd’hui sur leurs positions. Que préconisez-vous?
– Si j’étais Xavier Paillard, le président du conseil synodal, j’irais interroger les fidèles de St-Laurent. J’encourage toujours le dialogue. Lorsque les hommes se parlent, le malentendu est dissipé. Dieu ne nous a pas donné la parole pour dire la vérité, mais pour nouer des rapports harmonieux avec le monde.