Meapasculpa: pasteur Fatzer, protestantissime

Isabelle Falconnier

Je ne crois pas en Dieu et ne fréquente aucune église, mais lorsqu’on me demande de mettre une croix indiquant une éventuelle religion sur un formulaire, je n’hésite jamais: je coche «protestante».

J’ai fait ma confirmation, à 16 ans, en développant sur 3 pages l’idée que l’important n’est pas de croire ou pas mais de se poser philosophiquement la question de l’existence de Dieu – pour une entrée dans la communauté des croyants, on peut rêver plus engagé. «Protester», «réformer»: ces deux mots ont constitué la colonne vertébrale de mon éducation personnelle. Ils sont la promesse d’une sorte de Mai 68 intellectuel permanent: remettre en question, pratiquer le «oui, mais» à outrance, refuser les évidences, le politiquement correct, débattre, encore et toujours.

C’est grâce à ces deux mots que je coche encore la case «protestante» sur les formulaires. Ils sont un argument de vente incomparable et unique sur le marché de la pensée et des religions aujourd’hui. Si le protestantisme n’a pas encore été rayé de la carte, c’est grâce à ces deux mots.

Dans quelle Eglise un de ses pasteurs peut-il publier un livre intitulé Croire en un Dieu qui n’existe pas. Manifeste d’un pasteur athée, comme l’a fait le Néerlandais Klaas Hendrikse, livre devenu véritable best-seller en Europe, et continuer à faire le culte dans son église comme si de rien n’était?

Cher Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée vaudoise, si vous voulez que je continue à verser ma modeste obole annuelle, il va falloir laisser Fatzer la jouer à sa manière. Le protestant qui proteste, folklore ou pas, on le veut, il nous plaît, c’est pour lui qu’on se dit protestant. Si c’est pour ressembler à ces moutons de catholiques qui obéissent tous au même chef dorloté dans son palais romain, ce n’était pas la peine de faire la révolution. Si c’est pour exiger le respect de la hiérarchie, des règlements, des conventions, des protocoles, de la politesse et de la bienséance, ce n’était pas la peine de se faire égorger à la Saint-Barthélemy.

Contrairement à ce que vous pensez, tout ce ramdam est bon pour votre image et ne nuit pas à votre institution – pour autant que, à la fin, vous vous montriez plus protestant qu’un protestant. C’est-à-dire que, à la fin, il faudra laisser le trublion trublionner. Je dirais même que c’est la seule chance de survie de l’Eglise protestante. Daniel Fatzer a enfreint des règles? Il est narcissique, doté d’un ego surdimensionné? Il joue les martyrs avec sa grève de la faim, les justiciers, les redresseurs de torts? C’est un provocateur récidiviste?

Et alors? Cher Conseil synodal, c’est ce qu’on attend d’un protestant. C’est ennuyeux lorsqu’on est son employeur. Mais à force de vouloir asseoir sa crédibilité, on en perd son attractivité. Ce serait dommage.

isabelle.falconnier@hebdo.ch