Jawanza Colvin s’était beaucoup mobilisé après la mort de Tamir Rice, un jeune Noir tué par un policier blanc en 2014. Son combat est loin d’être fini.
Le pasteur Jawanza Colvin fait partie de la nouvelle génération de leaders religieux noirs. / Michael F. McElroy/The New York Times-Redux-REA
Depuis l’église baptiste Olivet, dressée au cœur d’un quartier noir défavorisé dans l’est de Cleveland, la convention républicaine paraît bien loin. Ici, point de journalistes ou de policiers, mais des experts, des élus et des responsables associatifs réunis pour parler des défis que rencontrent les Noirs américains aujourd’hui.
Pauvreté, obstacles à la participation électorale, réforme de la justice : ce forum, nommé « Impact 2016 », se refermera jeudi 21 juillet, en même temps que la convention républicaine qui a lieu au centre-ville. « On veut aborder les problèmes qui se sont développés ces huit dernières années, alors que nous étions euphoriques après l’élection de Barack Obama », souligne l’organisateur du rassemblement, le révérend Jawanza Colvin.
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Issu d’une nouvelle génération de leaders religieux noirs
Le charismatique pasteur d’Olivet est une étoile montante à Cleveland. Ce quadra à la voix grave et au regard rieur, qui adore la marche et le jazz, fait partie de la nouvelle génération de leaders religieux noirs. Son pari : bâtir des coalitions au-delà de sa communauté et de son Église pour améliorer le sort des minorités dites « de couleur » dans une ville encore soumise à la ségrégation.
En 2014, il a été propulsé sur le devant de la scène nationale, après la mort à Cleveland de Tamir Rice, un garçon noir de 12 ans, tué par un policier blanc alors qu’il tenait un pistolet en plastique.
À l’époque, Jawanza Colvin est l’un des seuls pasteurs afro-américains à hausser la voix contre le maire de Cleveland – un démocrate – pour exiger la réforme de la police. « En tant que père d’un enfant de couleur, cet épisode m’était profondément douloureux. Avec la tribune offerte par mon église, il fallait agir pour que justice soit faite ».
Fils d’un membre du mouvement révolutionnaire Black Panthers
Né à Washington, Jawanza Colvin est plongé dans le militantisme noir dès l’enfance. Son père, vétéran, est membre du mouvement révolutionnaire Black Panthers. Sa mère, « très chrétienne », admire Martin Luther King Jr.
Comme ce dernier, Jawanza Colvin étudie à Morehouse College à Atlanta. Il arrive à Cleveland en 2009, à l’âge de 33 ans. L’église qu’il trouve, Olivet, compte 4 000 membres et possède une longue tradition d’activisme en faveur des démunis.
Il se met au travail. Avec un rabbin, il lance en 2011 une coalition de quarante institutions religieuses nommée GCC (Greater Cleveland Congregations). Ensemble, elles se mobilisent sur des sujets divers comme l’éducation, l’emploi et la nutrition, et participent en 2013 à l’extension du programme de santé Medicaid pour les habitants les plus pauvres de l’Ohio.
Jawanza Colvin interpelle les autorités et critique ouvertement le maire
La réforme du système judiciaire fait aussi partie des chevaux de bataille du groupe, mais la mort tragique de Tamir Rice l’a fait resurgir. Hyperactif, le pasteur joue les poils à gratter.
Il organise des conférences de presse, s’affiche avec la famille, publie des tribunes et propose des réformes pour mieux encadrer la police. Il interpelle les autorités et critique ouvertement le maire alors que beaucoup de leaders noirs préfèrent le ménager.
« Nous utilisons la colère de manière constructive, pour préserver nos vies et nos âmes ». Deux ans après la mort de Tamir Rice, des peluches se sont amassées sur le site du drame, à côté d’un centre de loisirs. « Les enfants comprennent ce qui s’est passé ici. On se souvient de l’émotion. Rien n’a changé depuis », raconte Bob Hargrove, un Afro-américain rencontré sur place.
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Une possible présidence Clinton lui donne de l’espoir
C’est aussi l’avis de Jawanza Colvin, inquiet des tensions récentes qui ont résulté de la mort de Noirs abattus par la police à Bâton Rouge et dans le Minnesota en juillet. « Nous devons parler de l’accès aux armes à feu et du racisme institutionnalisé qui touche notre économie, le système éducatif et l’appareil judiciaire ».
Une possible présidence Clinton lui donne de l’espoir, dit-il, assis devant des photos prises avec la démocrate, Bernie Sanders et même Barack Obama. « L’électorat qui émerge est plus mélangé. Les relations entre les communautés se multiplient. L’Amérique se dirige vers plus d’empathie ».
Alexis Buisson (envoyé spécial à Cleveland)