« C’est mauvais pour l’Église quand ses pasteurs deviennent des princes, loin des gens, loin des plus pauvres : ce n’est pas l’esprit de Jésus », a assuré le pape François lors de l’audience générale du 14 septembre 2016. A l’imitation du Christ, le pasteur doit au contraire se faire « tout à tous, proche de tous, des plus pauvres », être « au milieu des gens ».
Au cours de sa catéchèse hebdomadaire prononcée place Saint-Pierre en présence de quelque 20 000 fidèles, le pape a expliqué que le passage de la Porte sainte, dans le cadre du Jubilé de la miséricorde, servait à « trouver Jésus », « trouver l’amitié de Jésus », « trouver le repos que seul donne Jésus ». En franchissant la Porte sainte, a-t-il ajouté en citant Jean-Paul II, « nous professons ‘que l’amour est présent dans le monde et que cet amour est plus puissant que toutes les formes de mal’ ».
Dans les « moments de fatigue et de déception », le pape François a conseillé de revenir au Christ : « Parfois, a-t-il fait observer, notre fatigue vient de ce que nous avons mis notre confiance dans des choses qui ne sont pas essentielles, parce que nous nous sommes éloignés de ce qui a réellement de la valeur dans la vie. Le Seigneur nous enseigne à ne pas avoir peur de le suivre, parce que la confiance que nous mettons en lui ne sera pas déçue ».
« Courage, donc, courage !, a-t-il conclu sous les applaudissements. Ne nous laissons pas enlever la joie d’être disciples du Seigneur. (…) Ne nous laissons pas voler l’espérance de vivre cette vie avec lui et avec la force de sa consolation ».
AK
Catéchèse du pape François
Chers frères et sœurs, bonjour !
Pendant ce Jubilé, nous avons réfléchi plusieurs fois sur le fait que Jésus s’exprime avec une tendresse unique, signe de la présence et de la bonté de Dieu. Aujourd’hui, nous nous arrêtons sur un passage émouvant de l’Évangile (cf. Mt 11,28-30) dans lequel Jésus dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos… devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme ». L’invitation du Seigneur est surprenante : il invite à le suivre des personnes simples et appesanties par une vie difficile, il appelle à le suivre des personnes qui ont de nombreux besoins et il leur promet qu’en lui elles trouveront repos et soulagement. L’invitation est adressée à la forme impérative : « Venez à moi », « prenez mon joug », « devenez mes disciples ». Si tous les responsables du monde pouvaient dire cela ! Cherchons à saisir la signification de ces expressions.
Le premier impératif est « Venez à moi ». S’adressant à ceux qui sont fatigués et opprimés, Jésus se présence comme le serviteur du Seigneur décrit dans le livre du prophète Isaïe. Le passage d’Isaïe dit ceci : « Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé » (50,4). De ceux qui sont découragés par la vie, l’Évangile rapproche souvent aussi les pauvres (cf. Mt 11,5) et les petits (cf. Mt 18,6). Il s’agit de ceux qui ne peuvent pas compter sur leurs propres biens, ni sur des amitiés importantes. Ils ne peuvent se confier qu’en Dieu. Conscients de leur condition humble et misérable, ils savent qu’ils dépendent de la miséricorde du Seigneur, attendant de lui l’unique aide possible. Dans l’invitation de Jésus, ils trouvent enfin une réponse à leurs attentes : en devenant ses disciples, ils reçoivent la promesse de trouver le repos pour toute la vie. Une promesse qui, à la fin de l’Évangile, est étendue à toutes les nations : « Allez ! – dit Jésus aux apôtres – De toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19). En accueillant l’invitation à célébrer cette année de grâce du Jubilé, dans le monde entier les pèlerins franchissent la Porte de la miséricorde ouverte dans les cathédrales, dans les sanctuaires, dans de nombreuses églises du monde, dans les hôpitaux, dans les prisons. Pourquoi franchissent-ils cette Porte de la miséricorde ? Pour trouver Jésus, pour trouver l’amitié de Jésus, pour trouver le repos que seul donne Jésus. Ce chemin exprime la conversion de tous les disciples qui se mettent à la suite de Jésus. Et la conversion consiste toujours à découvrir la miséricorde du Seigneur. Elle est infinie et inépuisable : grande est la miséricorde du Seigneur ! En franchissant la Porte sainte, par conséquent, nous professons « que l’amour est présent dans le monde et que cet amour est plus puissant que toutes les formes de mal dans lesquelles l’homme, l’humanité et le monde sont impliqués » (Jean-Paul II, enc. Dives in misericordia)
Le second impératif est : « prenez sur vous mon joug ». Dans le contexte de l’Alliance, la tradition biblique utilise l’image du joug pour indiquer le lien étroit qui lie le peuple à Dieu et, en conséquence, la soumission à sa volonté exprimée dans la Loi. Dans une polémique avec les scribes et les docteurs de la loi, Jésus pose sur ses disciples son joug dans lequel la Loi trouve son accomplissement. Il veut leur enseigner qu’ils découvriront la volonté de Dieu à travers sa personne : à travers Jésus, et non pas à travers des lois et des prescriptions froides que Jésus lui-même condamne. Il suffit de lire le chapitre 23 de Matthieu ! Il est au centre de leur relation avec Dieu, il est au cœur des relations entre les disciples et il se pose comme le point d’appui de la vie de chacun. En recevant le « joug de Jésus », chaque disciple entre ainsi en communion avec lui et est rendu participant du mystère de sa croix et de son destin de salut.
Suite à cela, le troisième impératif : « Devenez mes disciples ». Jésus présente à ses disciples un chemin de connaissance et d’imitation. Jésus n’est pas un maître qui impose sévèrement à d’autres des poids qu’il ne porte pas ; c’était l’accusation qu’il adressait aux docteurs de la loi. Il s’adresse aux humbles, aux petits, aux pauvres, aux plus démunis parce que lui-même s’est fait petit et humble. Il comprend les pauvres et ceux qui souffrent parce que lui-même est pauvre et éprouvé par des douleurs. Pour sauver l’humanité, Jésus n’a pas parcouru une route facile ; au contraire, son chemin a été douloureux et difficile. Comme le rappelle la lettre aux Philippiens : « il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (2,8).
Le joug que les pauvres et les opprimés portent est le même que celui qu’il a porté avant eux : c’est pourquoi c’est un joug léger. Il a chargé sur ses épaules les douleurs et les péchés de toute l’humanité. Pour le disciple, donc, recevoir le joug de Jésus signifie recevoir sa révélation et l’accueillir : en lui la miséricorde de Dieu a pris sur elle les pauvretés des hommes, donnant ainsi à tous la possibilité du salut. Mais pourquoi Jésus est-il capable de dire ces choses ? Parce qu’il s’est fait tout à tous, proche de tous, des plus pauvres ! Il était un pasteur au milieu des gens, parmi les pauvres : il travaillait tout le jour avec eux. Jésus n’était pas un prince. C’est mauvais pour l’Église quand ses pasteurs deviennent des princes, loin des gens, loin des plus pauvres : ce n’est pas l’esprit de Jésus. Jésus faisait des reproches à ces pasteurs et il disait d’eux aux gens : « faites ce qu’ils disent, mais pas ce qu’ils font ».
Chers frères et sœurs, pour nous aussi il y a des moments de fatigue et de déception. Rappelons-nous alors ces paroles du Seigneur qui nous donnent tant de consolation et qui nous font comprendre si nous mettons nos forces au service du bien. En effet, parfois notre fatigue vient de ce que nous avons mis notre confiance dans des choses qui ne sont pas essentielles, parce que nous nous sommes éloignés de ce qui a réellement de la valeur dans la vie. Le Seigneur nous enseigne à ne pas avoir peur de le suivre, parce que la confiance que nous mettons en lui ne sera pas déçue. Nous sommes donc appelés à apprendre de lui ce que signifie vivre de miséricorde pour être des instruments de miséricorde. Vivre de miséricorde pour être des instruments de miséricorde : vivre de miséricorde, c’est sentir que l’on a besoin de la miséricorde de Jésus et quand nous sentons que nous avons besoin de pardon, de consolation, nous apprenons à être miséricordieux avec les autres. Garder le regard fixé sur le Fils de Dieu nous fait comprendre tout le chemin qu’il nous reste à faire ; mais en même temps, cela répand en nous la joie de savoir que nous marchons avec lui et que nous ne sommes jamais seuls. Courage, donc, courage ! Ne nous laissons pas enlever la joie d’être disciples du Seigneur. « Mais, Père, je suis pécheur, que puis-je faire ? – Laisse-toi regarder par le Seigneur, ouvre ton cœur, sens sur toi son regard, sa miséricorde et ton cœur sera rempli de joie, de la joie du pardon, si tu t’approches pour demander le pardon ». Ne nous laissons pas voler l’espérance de vivre cette vie avec lui et avec la force de sa consolation. Merci.
© Traduction de Zenit, Constance Roques