Site du Conseil des conférences épiscopales européennes (*)
Du 20 au 23 octobre 2016 s’est déroulée à Fatimal (Portugal) la rencontre annuelle des évêques des Églises orientales catholiques en Europe. Au terme de leur rencontre, ils ont publié le message suivant, intitulé « J’étais étranger, et vous m’avez accueilli ». Le phénomène migratoire actuel provoque l’Église à actualiser le mystère de la communion : « la mobilité de nos fidèles favorise la culture de la rencontre et témoigne l’unité spirituelle vécue en Europe ». Dans leur message, les évêques orientaux remercient les pasteurs locaux et les communautés paroissiales de l’Église latine pour leur sollicitude et accueil. Conscients de leur responsabilité, s’inquiétant du « sécularisme qui vise à dénaturer la vie chrétienne », ils veulent porter « une attention particulière aux familles qui sont séparées en raison de la migration pour souligner la beauté de la famille et réaffirmer combien elle est fondamentale pour l’humanité ». Ils apportent leur coopération et souhaitent trouver « les moyens les plus appropriés pour un meilleur partage des activités et des structures pastorales » entre chrétiens et pasteurs orientaux et latins. Ils s’engagent pour être des « opérateurs de réconciliation et de paix ».
« J’étais étranger, et vous m’avez accueilli » (Mt. 25, 35)
Nous, les évêques des Églises orientales catholiques en Europe, réunis à Fatima (Portugal) du 20 au 23 octobre 2016 pour notre rencontre annuelle, qui a également vu la participation des évêques représentants de certaines conférences épiscopales, en communion de prière et de fraternité spirituelle, nous avons réfléchi sur les défis posés par le soin pastoral des fidèles catholiques orientaux qui émigrent vers les pays occidentaux et, souvent, vers des lieux où ils sont dépourvus de leurs propres pasteurs.
Dans nos travaux, nous nous sommes laissés inspirer et guider par la parole de Jésus-Christ, le fils de Dieu, qui a personnellement vécu l’expérience déchirante de ceux qui sont contraints de quitter leur pays d’origine à la recherche de nouveaux horizons. Alors que nous nous approchons de la conclusion de l’Année jubilaire de la miséricorde, nous percevons que ces paroles de Jésus soudent spirituellement les communautés ecclésiales liées par l’expérience de la migration. « J’étais étranger » : voilà des mots adressés à nos fidèles, souvent contraints de migrer ; “vous m’avez accueilli”: souligne l’attitude humaine et chrétienne des communautés ecclésiales et civiles qui les accueillent.
Le phénomène migratoire actuel est donc une opportunité pour l’Église, car il ouvre au don de l’accueil, tel que nous le rappelle le pape François. C’est ainsi que nous vivons ce en quoi nous croyons, à savoir que l’Église n’est pas une réalité repliée sur elle-même, mais elle est constamment ouverte à la dynamique missionnaire et œcuménique, car elle est envoyée au monde pour annoncer et témoigner, actualiser et diffuser le mystère de la communion qui la constitue : réunir tout et tous en Jésus-Christ ; être pour tous un « sacrement inséparable d’unité” (Communionis notio, n. 4) (1). En effet, la mobilité de nos fidèles favorise la culture de la rencontre et témoigne l’unité spirituelle vécue en Europe.
Tout d’abord, nous tenons à exprimer notre gratitude aux pasteurs locaux et aux communautés paroissiales de l’Église latine dans ces pays, pour leur sollicitude paternelle et l’accueil de nos fidèles appartenant aux Églises orientales catholiques. Nous tenons à remercier tout particulièrement pour l’appréciation de la vie spirituelle que ces fidèles ont apportée dans leurs nouveaux pays de résidence. Nous sommes reconnaissants envers les pasteurs locaux qui les considèrent comme des opérateurs de la nouvelle évangélisation, en témoignant la foi avec leur vie chrétienne. Nous souhaitons également remercier les évêques de l’Église latine qui apprécient les traditions orientales, auxquelles nos fidèles appartiennent (cf. Can. 40 § 1 CCEO). Nous sommes reconnaissants pour leur attention à faire en sorte que nos fidèles puissent compter sur un soin pastoral selon leur rite d’appartenance ; pour l’accueil réservé aux prêtres venant de l’Église mère afin de servir nos fidèles ; pour la création d’aumôneries et même de paroisses personnelles, conscients de notre besoin d’avoir des structures ecclésiastiques pour nos fidèles dans les pays où ils vont s’installer (cf. can. 383 § 2 CIC).
Nous, évêques catholiques orientaux d’Europe, nous sommes conscients de notre responsabilité envers les fidèles qui se trouvent en dehors des frontières de leur Église Mère (cf. 148 § 1 CCEO Can). Nous voulons soutenir et confirmer chacun d’entre eux et leurs familles. Nous portons une attention particulière aux familles qui sont séparées en raison de la migration pour souligner la beauté de la famille et réaffirmer combien elle est fondamentale pour l’humanité. Nous sommes proches des personnes les plus vulnérables et isolées, afin qu’elles ne tombent pas dans le piège de la traite des êtres humains. Nous nous engageons à promouvoir avec enthousiasme la transmission de la foi aux jeunes et aux enfants, car il s’agit sans aucun doute d’un don indispensable à la plénitude de la vie.
Par ce message, nous souhaitons déclarer notre disponibilité et notre désir de coopérer plus étroitement avec les pasteurs latins pour fournir des soins pastoraux de plus en plus appropriés à nos fidèles qui se trouvent dans leur juridiction (can. 916 § 5 CCEO, Instruction Erga migrantes caritas Christi, Chap. II, art. 4-11) (2), ainsi que pour soutenir la formation et la sensibilisation du clergé latin à l’égard des traditions orientales ; tout comme pour former au mieux nos propres prêtres envoyés pour veiller au soin pastoral de nos fidèles. Il est également souhaitable que l’on trouve les moyens les plus appropriés pour un meilleur partage des activités et des structures pastorales.
Nous voulons également affirmer que notre engagement et le soin pastoral des fidèles se basent sur le principe de l’intégration, et non pas sur celui de l’assimilation. Nous tenons à ce que nos fidèles, organisés dans leurs centres pastoraux, soient bien intégrés dans l’Église locale du pays d’accueil, certains que les traditions chrétiennes orientales sont un don même pour les communautés latines. C’est seulement par l’intégration dans l’Église locale – sans être assimilés et sans être isolés – que l’on pourra partager la richesse de nos traditions et témoigner ensemble que l’Église catholique est « l’unité de la foi dans la diversité des traditions ».
Cependant, même les traditions orientales doivent faire face au grand défi du sécularisme, qui vise à dénaturer la vie chrétienne. Par conséquent, l’effort d’incarner l’Évangile dans la culture de nos peuples, souvent prisonniers du présent, nous aidera à renforcer la conscience de faire partie d’une histoire qui nous précède et qui nous suit (cf. st Jean-Paul II, Orientale lumen, 8) (3).
En ce moment historique, nous sommes proches de ceux qui souffrent terriblement à cause de la violence et de la guerre qui continue d’accabler de nombreux peuples, en particulier l’Ukraine et le Moyen-Orient. Le Saint-Père François nous enseigne que les paroles de la paix sont le pardon, le dialogue, la réconciliation, car sans conversion du cœur il n’y a pas de paix. Ainsi, nous voulons être des opérateurs de réconciliation et de paix, et nous souhaitons nous engager à reconstruire l’harmonie là où elle a été brisée. En suivant l’exemple héroïque des petits bergers de Fatima, nous voulons continuer à prier et à faire pénitence pour demander à Jésus-Christ le don de sa paix, sans relâche, dans l’espoir d’une paix qui ne soit pas séparée des devoirs de la justice et qui soit alimentée par le sacrifice, la charité, la miséricorde.
À Marie, Mère de Dieu et des hommes, apparue ici à Fatima il y a cent ans, nous confions nos Églises, les familles, les jeunes, les malades, les personnes âgées, les chômeurs et tous ceux qui souffrent, car vous, tendre Mère, Vous connaissez chaque souffrance, chaque douleur, chaque privation, et Vous prenez tous dans Vos bras d’amour.
« Que vienne pour tous le temps de la paix et de la liberté, le temps de la vérité, de la justice et de l’espérance » (cf. Acte de consécration à la Vierge de Fatima).
(*) Titre et notes de La DC.
(1) DC 1992, n. 2055, p. 730.
(2) DC 2004, n. 2318, p. 687-688.
(3) DC 1995, n. 2117, p. 520.