Qui prêchera à l’investiture de Donald Trump ?

Trump

Donald Trump, lors d’un office dans une église de Las Vegas, le 30 octobre 2016.

©Reuters/Carlo Allegri

Donald Trump, lors d’un office dans une église de Las Vegas, le 30 octobre 2016.

 ©Reuters/Carlo Allegri

« Une nation sous l’autorité de Dieu ». Dans un pays aussi religieux que les États-Unis, il n’est guère étonnant que la cérémonie d’investiture présidentielle soit placée sous l’onction spirituelle, avec des prières et un serment sur la Bible. Pourtant, le rituel est de création récente. En 1937, le président élu Franklin Roosevelt convie un pasteur épiscopalien (anglican) à prononcer un court sermon, « l’invocation », suivi d’une prière, dite par un prêtre catholique. Depuis, la tradition a été cultivée par chaque président, avec différents ministres du culte.

Très attendue, « l’invocation » donne le ton spirituel du président, et a pour mission de réconcilier la nation par un temps de prière. Dans cette volonté de compromis, Barack Obama choisit pour son investiture en 2009 le pasteur baptiste Rick Warren. Recteur de la « méga église » californienne Saddleback Church, conservateur, opposé au mariage homosexuel et à l’avortement, il incarnait « l’autre Amérique », qui n’avait pas voté pour le président démocrate.

Pour son investiture du 20 janvier prochain, Donald Trump a choisi six personnalités, le plus grand groupe de prédicateurs jamais réuni. Deux sont pressenties pour prononcer « l’invocation » : le pasteur pentecôtiste hispanique Samuel Rodriguez, et la femme « télévangéliste » Paula White. Quatre autres prononceront également des prières : le cardinal-archevêque catholique de New York Timothy Dolan, le rabbin Marvin Hier, le pasteur baptiste Franklin Graham, et le pasteur évangélique noir Wayne Timothy Jackson.

Les classiques

Médiatique archevêque de New York, le cardinal Timothy Dolan sera le premier catholique à prendre part à une inauguration présidentielle depuis Ronald Reagan, en 1985. Connu pour sa gouaille, il avait critiqué pendant la campagne les positions de Donald Trump sur l’immigration. Après l’élection, le cardinal avait cependant invité les catholiques à un « optimisme prudent », en espérant que la nouvelle administration défende la vie à naître.

La présence du pasteur Franklin Graham n’est quant à elle pas surprenante. Fils du grand prédicateur baptiste Billy Graham, mondialement connu et âgé de 98 ans, il est, comme son père, historiquement proche des républicains. Le père a participé aux investitures des présidents John Nixon, en 1969, George Bush père, en 1989, et Bill Clinton, en 1993 et 1997. Son fils a prononcé l’invocation pour George Bush fils, en 2001.

La présence du rabbin Marvin Heir n’est également guère étonnante. Fondateur du Centre Simon Wisenthal, et du « Musée de la Tolérance », à Los Angeles, ce rabbin orthodoxe « modéré » est proche de Ivanka Trump, fille du président élu, qui s’est convertie au judaïsme en 2009, avant son mariage avec l’homme d’affaires Jared Kushner.

Les apôtres de la « prospérité »

Deux autres invités attirent en revanche l’attention, et déjà, les critiques : Paula White, « télévangéliste » à Apopka, en Floride, et Wayne Timothy Jackson, pasteur d’une paroisse évangélique noire de Détroit, dans le Michigan, où s’est rendu Donald Trump pendant la campagne présidentielle.

Les deux prédicateurs sont connus pour professer l’« Évangile de la prospérité » (Prosperity Gospel). Cette doctrine est une série de croyances, qui assurent au fidèle la richesse matérielle, s’il prie et verse un important denier du culte. Très diffusée dans les milieux pauvres, par des prédicateurs peu formés, elle est condamnée par la plupart des théologiens protestants évangéliques. Le pasteur Russel Moore, président de la commission d’éthique et de liberté religieuse de la Southern Baptist Convention, principale Église baptiste américaine, a ainsi déclaré sur Twitter que « Paula White est une charlatane, et reconnue comme hérétique par tout chrétien orthodoxe, quelque soit sa tribu ». 

Pendant sa campagne, Donald Trump s’est attiré le soutien des pasteurs adeptes de l’« Évangile de la prospérité », drainant une population blanche modeste, qui n’a eu que faire des mises en garde des élites protestante évangéliques. Paula White, mariée trois fois, a affirmé en juillet dernier dans le quotidien Christian Post être une intime de Donald Trump, et l’avoir ramené à la foi chrétienne. Que cela soit vrai ou faux, nul ne doute que le président élu soit à l’aise avec cette « prospérité », qui n’est pas si éloignée de la pensée du pasteur presbytérien (calviniste) de sa jeunesse new-yorkaise, Norman Vincent Peale. Celui-ci avait écrit en 1952 un ouvrage, La puissance de la pensée positive, promettant le succès, y compris matériel, aux fidèles professant l’optimisme.

L’invité de la réconciliation ?

Enfin, le pasteur Samuel Rodriguez est le dernier invité religieux de cette cérémonie. D’origine portoricaine et de confession pentecôtiste, il dirige le plus grand mouvement d’hispaniques évangéliques. Il s’est fait connaître en 2013 pour avoir participé à l’appel « J’étais un étranger » : plusieurs pasteurs évangéliques lisent tour à tour le jugement dernier de l’Évangile de Matthieu dans un clip vidéo, pour alerter l’opinion sur la dignité humaine des migrants. 

Si le pasteur Samuel Rodriguez devait prêcher, il symboliserait la main tendue de Donald Trump à cette Amérique qui n’a pas voté pour lui, et qui redoute sa politique migratoire.