L’université de Berne ouvre l’été prochain une formation continue en aumônerie aux imams et aux représentants d’autres confessions actifs dans les domaines de l’asile, dans les hôpitaux ou les prisons. Une démarche inédite en Suisse, qui s’inscrit dans la prévention de la radicalisation. Entretien avec sa responsable, la professeur en psychologie des religions, présidente de la formation continue en aumônerie de l’université de Berne, Isabelle Noth.
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Le Temps: Pourquoi ouvrir une formation continue en aumônerie à des représentants d’autres religions?
Isabelle Noth: Nous visons en premier lieu à offrir aux aumôniers actifs dans un contexte sensible que sont les prisons ou les centres pour requérants d’asile une formation qualifiée et reconnue. Nous vivons dans une société multiculturelle, c’est un fait, mais nous mettons du temps à nous adapter à cette réalité. L’université de Berne est la seule en Suisse à offrir une spécialisation en aumônerie. Jusqu’ici, cette offre se limitait aux représentants chrétiens. Pourtant, il y a un vrai besoin, en Suisse, d’aumôniers d’autres confessions bien formés, en particulier dans les institutions sensibles où le risque de prosélytisme doit faire l’objet d’une attention particulière.
– En quoi cette démarche permettrait-elle de prévenir la radicalisation?
– Les pasteurs et les prêtres actifs dans l’accompagnement religieux en milieu institutionnel ont tous suivi une formation académique en théologie, durant laquelle leurs capacités sont éprouvées. Ce n’est pas le cas des accompagnants d’autres religions. L’une des difficultés réside dans le fait que les autorités ignorent le contenu des prêches des imams dans les prisons, par exemple. Cette formation doit combler ce vide et permettre aussi aux responsables religieux formés éventuellement de mieux discerner des signes de radicalisations. Mais de toute façon, nous devons veiller à ce que l’aumônerie ne serve pas d’instrument de chasse aux islamistes.
– Vous comptez faire passer aux candidats à cette formation un examen pour détecter d’éventuelles tendances radicales, en quoi cela consiste-t-il?
– Cette évaluation devra nous permettre de vérifier les compétences psycho-sociales des candidats: écoute, capacité de gestion des conflits. Mais aussi leurs positions à l’égard de la violence, des femmes, ou du fondamentalisme. Comme dans la plupart des métiers exigeant d’être en relation avec les autres, les professionnels de l’accompagnement religieux doivent pouvoir démontrer leurs compétences. Chaque religion développe son approche mais l’aumônerie, qu’elle soit chrétienne, musulmane ou bouddhiste, répond aux mêmes demandes de base.
– Cela signifie-t-il que les aumôniers qui n’auront pas suivi ce cursus ne pourront pas exercer?
– Ce n’est pas une condition formelle pour devenir aumônier, mais les institutions concernées – prisons et hôpitaux – auront intérêt à engager du personnel au bénéfice d’une solide formation.
– Comment cette formation est-elle perçue côté de la communauté musulmane? A quelle demande répond-elle?
– Je ne souhaite pas donner d’information à ce stade sur les candidatures que nous recevons, mais il y a un véritable intérêt de la part des communautés concernées, cela répond à un besoin concret. Nous ne pouvons pas, en Suisse, aujourd’hui proposer une véritable formation académique d’imams comme cela se fait en Allemagne, au vu de la fronde politique que cette idée suscite. Or en tant que présidente de la formation continue en aumônerie, je reçois constamment des demandes de la part d’institutions concernées, c’est-à-dire des hôpitaux, des prisons etc., et de responsables sécuritaires, qui réclament une meilleure formation des responsables religieux en milieu institutionnel.