Églises et féminisme : quelle priorité ?

Le 26 mai 2017, l’Église protestante unie de France a élu sa première femme présidente : la pasteure Emmanuelle Seyboldt. L’occasion de revenir sur la place du féminisme dans les Églises protestantes.

Le protestantisme est la seule branche du christianisme à accepter les femmes au ministère pastoral. Chez les catholiques, les prêtres doivent être des hommes célibataires. Chez les orthodoxes, ce sont des hommes qui peuvent être mariés et pères de famille. Ce fut d’ailleurs longtemps la pratique au sein de la toute jeune église romaine des premiers siècles.

Chez les protestants, les pasteurs sont généralement mariés, parfois même divorcés, et de nombreuses églises acceptent des femmes. Contrairement à une idée répandue, les luthéro-réformés ne sont pas les seuls à accepter le ministère pastoral féminin : il y a des femmes pasteures chez les libristes, les baptistes, les réformés évangéliques et même chez certaines dénominations pentecôtistes.

Réforme a interrogé deux femmes pasteures sur la place que le féminisme occupe dans leur ministère. Ruth Wolff-Bonsirven est inspectrice ecclésiastique (équivalent d’évêque) au sein de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL). Nicole Deheuvels est conseillère conjugale à la Fondation La Cause, directrice du département Solos / duos, membre du mouvement des Attestants de l’Église protestante unie de France (EPUdF). Leur positionnement vis-à-vis du féminisme est sensiblement différent.

Témoignage de Nicole Deheuvels :

« En tant que présidente de l’association la Bienvenue, je n’ai jamais eu de mal à recruter des femmes pour rejoindre le conseil d’administration. Je me demande si les associations qui ont des difficultés font vraiment des efforts. Je fréquente de nombreux milieux évangéliques, qui sont eux-mêmes traversés par différents courants. Certains sont ouverts aux différents ministères féminins, d’autres sont plus frileux. J’ai été invitée dans des Assemblées de Dieu (pentecôtistes, ndlr) à animer des week-ends d’activités, notamment le culte et la prédication. D’autres Églises évangéliques m’ont proposé de prêcher puis ont changé d’avis. Mon mari était furieux.

Moi, je n’ai pas l’énergie pour cette lutte. Je sais bien qu’il faudrait se battre pour les copines, mais d’un autre côté, je n’ai jamais fait du féminisme un combat. J’ai suffisamment à faire avec ceux qui veulent bien (travailler avec moi) ! Je suis arrivée au ministère à une période où j’estimais qu’il n’était ni urgent ni nécessaire de faire du féminisme une priorité. Je suis reconnaissante aux féministes d’avoir ouvert une route pour moi, pour que, de fait, ce ne soit pas un besoin. J’ai préféré m’orienter vers un travail au niveau conjugal pour retrouver une harmonie entre les hommes et les femmes. Je constate un grand effritement au niveau des couples, lié au fait que, notamment, les hommes ont du mal à trouver leur place et que les femmes, disons-le, ont du mal à abandonner une sorte d’agressivité. »

Témoignage de Ruth Wolff-Bonsirven :

« Nous sortons de plusieurs millénaires de patriarcat. C’est la femme qui a tendu le fruit à Adam ! Cette pensée a perduré dans les Églises, et il nous est difficile aujourd’hui de sortir de cette posture. Certes, cela dépend des dénominations. Il y en a où tout est à faire. Et même dans les autres (où les femmes peuvent être pasteures, ndlr), la cause des femmes reste un non-sujet. En Église, on réfléchit aux migrants, à la diaconie, et ce sont des causes justes. Mais pourquoi ne pas parler aussi de la cause des femmes, des violences intra-familiales, etc. ? C’est dramatique de ne jamais parler du sexisme ambiant. On accepte sans rien dire les inégalités salariales, ou l’excision dans les pays où nos Églises envoient des missionnaires.

Qu’on arrête d’avoir peur de parler des questions de genre. D’où cela vient-il que nous avons des assignations à des fonctions sexuées ? Qu’est-ce que cela veut dire d’être homme ou femme, quand Galates dit qu’il n’y a plus « ni homme ni femme » ? Si nous annonçons un Dieu juste, un Dieu de paix, nous ne pouvons pas accepter les inégalités hommes / femmes. Il faudrait que l’on puisse réfléchir à ces sujets en Église sans que personne ne se sente atteint dans sa virilité ou dans sa féminité, dans sa domination ou dans sa soumission. »

 

La parité au sein des Églises protestantes ?

En résumé, les trois principales Églises protestantes françaises nous ont fourni la répartition entre les hommes et les femmes au sein de leur corps pastoral. À l’ÉPUdF un pasteur sur trois est une femme, à l’UEPAL 40% sont des femmes, à la Fédération Baptiste, on compte une femme pasteure pour 10 hommes.

Église protestante unie de France : 156 femmes et 290 hommes parmi les pasteur-e-s

Fédération des Églises évangéliques baptistes : 8 femmes et 107 hommes

Union des Églises protestantes d’Alsace et de Loraine : 102 femmes et 149 hommes