Le pape appelle les évêques du Zimbabwe à être les pasteurs de tous

Le chef de l’Église catholique a reçu lundi matin au Vatican la demi-douzaine d’évêques qui composent la conférence épiscopale du Zimbabwe. Comme de tradition pour tous les prélats du monde, ceux-ci sont venus rendre compte au pape, au cours de cette visite appelée ad limina, de la marche des entités ecclésiales qui leur ont été confiées, des difficultés rencontrées et recevoir de lui, en retour, les indications pour leur travail dans les prochaines cinq années.

Pays assez particulier qui n’est indépendant que depuis 1980, le Zimbabwe semble s’être écarté des colonnes des bonnes nouvelles dans les médias occidentaux qui préfèrent se focaliser sur chacun des faits et gestes de son président, Gabriel Robert Mugabe. Élections tourmentées, difficultés de coexistence entre l’Église et l’État, marasme économique mais aussi difficultés de cohabitation des différentes composantes raciales du pays, les Blancs et les Noirs, le pays semble être aujourd’hui la caricature de l’Afrique du Sud dont il a partagé pourtant beaucoup des gros problèmes du passé, y compris l’apartheid.

C’est pourquoi, en les recevant au Vatican, le pape François a fortement exhorté les évêques zimbabwéens à faire en sorte que dans leur pays « l’Église serve de pont entre les hommes et entre les hommes et Dieu ». Qu’elle reste aux côtés de son peuple en ces temps « de grande souffrance » pour lui ; qu’elle guide « avec une infinie tendresse tout le monde vers l’unité et la guérison ». Le Souverain pontife a rappelé qu’il faut pour cela œuvrer sans cesse à rapprocher les cœurs des gens : « La réconciliation n’est pas un acte isolé mais un long processus par lequel toutes les parties sont rétablies dans l’amour. »

Dans une fine allusion aux déboires internes de l’Église catholique du pays, le pape a aussi invité à une meilleure formation des futurs prêtres ; des clercs capables « d’encourager les fidèles à ne pas perdre de vue les voies par lesquelles Dieu entend leurs suppliques et répond à leurs prières ». « De nombreuses personnes ont atteint leur limite humaine et ne savent plus où se tourner », a relevé le pape. L’Église demeure donc pour elles la seule boussole valable, qui ne doit pas s’affoler avec le vent et les circonstances.

Lors d’une autre visite pastorale de ce type, en juillet 2005, le pape Benoît XVI avait été encore plus direct en invitant les futurs prêtres zimbabwéens « à présenter la plénitude de la foi catholique de façon à satisfaire et répondre vraiment aux difficultés, aux questions et aux problèmes des personnes », et non pas à être les acteurs d’une pastorale incertaine. Pour bien appuyer son propos et frapper par l’exemple, deux ans plus tard, le pape allemand avait brutalement relevé de ses fonctions l’archevêque de la deuxième ville du Zimbabwe, en restant sourd jusqu’aux suppliques de ses pairs d’Afrique australe.

Vocation d’hier et d’aujourd’hui

Les pasteurs sont aux prises avec une société en mutation. Témoignages

« Le pasteur est un acteur du dialogue social »

Pour Nicolas Besson, pasteur depuis 1997 et responsable de l’office des ressources humaines de l’Eglise réformée vaudoise, le métier s’est compliqué : « Le pasteur, tout comme l’Eglise, n’est plus au milieu du village. » Aujourd’hui l’Eglise est minoritaire, il faut avoir des connaissances élargies de toutes les cultures et religions. « La société ne nous construit plus. Nous avons donc plus que jamais besoin du pasteur pour donner du sens et relier les gens dans une communauté qui s’efface. » Le pasteur « aide les gens à être plus humains en travaillant avec eux sur leur représentation du monde pour donner du sens ». Aujourd’hui, les pasteurs sont des constructeurs d’Eglise. Pour Nicolas, cela passe notamment par le leadership et une spécialisation du métier, pour « réussir à s’insérer autrement dans la société ». Dans une société plurielle, les pasteurs réformés ont donc de l’avenir : « Nous sommes contemporains par notre pluralisme et le dialogue des subjectivités. »

« Aller à la rencontre de l’autre »

« Il y a plus que jamais une demande spirituelle des gens. Pour y répondre, il faut témoigner plus profondément de l’Evangile. » Après trente-cinq ans de ministère, Pierre Genton a pris sa retraite en 2007. La clé du métier ? La prédication : « Annoncer l’Evangile avec le souci de toucher les gens en allant à l’essentiel. » Mais cela demande du travail. Ce pasteur de mai 1968 a vu le métier évoluer. Avant, le pasteur était un notable est une figure d’autorité. Il est devenu d’avantage un animateur, cherchant à mettre les gens en mouvement et à trouver leur propre voie. Pour Pierre Genton, « il faut aller à la rencontre de l’autre et être accueillant, c’est ça la gratuité de l’Evangile ». Avec le temps, le travail est donc devenu plus intense : « Se remettre en question dans une société qui évolue, c’est passionnant », se réjouit le pasteur retraité. Mais le temps manque. Pierre Genton fait encore des remplacements. « Il y a moins de paperasses et plus de temps pour aller visiter les gens et préparer des cultes », sourit-il.

Passeur de lumière

« L’humain est souvent torturé, à terre. Le pasteur amène une parole de vie : Tu es debout, tu es magnifique, unique et utile aux autres. » Passeur de lumière, c’est ainsi que Françoise Subilia, pasteur retraitée depuis six mois, voit le métier. Elevée dans une famille de pasteurs, elle en épouse un. Le métier, elle l’a vu évoluer avec son mari avant d’être consacrée en 1998. « Nous n’avons plus assez de temps pour l’essentiel, que sont les gens. » Elle déplore une structure qui prend trop de place et qui ne se préoccupe pas assez des besoins des personnes, où le contenant est plus important que le contenu. La solution ? Un plus grand respect de la part des autorités. Cette jeune retraitée avoue avoir été souvent fatiguée, mais s’être toujours réjouie de ce qu’elle faisait. « Transmettre une humanité à l’autre, sans chercher à le convaincre. » Durant son ministère, Françoise a cherché à « apaiser les gens, en rétablissant l’être debout de la Création », une quête commune à tous dans la société interreligieuse d’aujourd’hui, conclut-elle. 

// M.D.

Avocat et pasteur

Saint-Laurent-Eglise: Quatre prédications en forme de miniprocès

Saint-Laurent-Eglise

Du dimanche 8 au dimanche 29 juin, Saint-Laurent-Eglise propose une série de quatre cultes, diffusés par la RTS, dont la prédication, en forme de miniprocès, sera partagée entre un avocat et un pasteur. C’est, pour Saint-Laurent-Eglise, une manière de poursuivre la recherche sur de nouvelles formes, la prédication pouvant emprunter à des registres aussi différents que la chanson française, la nouvelle, la poésie, le discours argumentatif classique ou… le procès !

  • Dimanche 8 juin : miniprocès à Eve, avec l’avocat Jean-Christophe Diserens et le pasteur Daniel Fatzer.
  • Dimanche 15 juin : miniprocès à Caïn, avec l’avocat stagiaire Raphaël Mahaim et le pasteur Michel Kocher.
  • Dimanche 22 juin : miniprocès à Hérodiade, avec l’avocat Yves Burnand et le pasteur Guy Labarraque.
  • Dimanche 29 juin : miniprocès à Judas avec l’avocat Marc Bonnant et le pasteur Jean Chollet.

Miniprocès au cours desquels on examinera « professionnellement » les mobiles de ces quatre personnages bibliques et les circonstances atténuantes qui peuvent être les leurs. La musique ne sera pas en reste puisque le premier culte se fera au rythme du « jazz manouche », le deuxième et le troisième au rythme du gospel – Flavie Crisinel et Daniel Favez, puis Madrijazz – et le dernier avec des « musiques du monde », avec Alexandre Cellier et Antoine Auberson.

Culte « autrement », chaque dimanche à 10 h. Saint-Laurent-église http://saintlaurenteglise.eerv.ch, pasteurs Jean Chollet, 079 216 86 27 et Daniel Fatzer, 078 621 31 34

La cathédrale

Le jardin du paradis

Zoom sur une végétation de bois et de pierre Chaque élément décoratif de la cathédrale – de pierre, de verre ou de bois – est une référence précise au monde spirituel qui se déploie dans cet édifice. Les fleurs et les plantes, comme les animaux, nous parlent de nos relations avec Dieu et avec le monde. Selon une légende médiévale, les œillets seraient venus au monde alors que Jésus portait la croix. Ils auraient surgi de la terre là où tombaient les larmes de la Vierge Marie qui pleurait les souffrances de son Fils. Ainsi, l’œillet rose est devenu l’emblème de l’amour maternel inconditionnel, tandis que l’œillet rouge foncé symbolise l’amour profond et l’œillet blanc un amour pur. Appelé aussi « petit clou » à cause de la forme de ses fruits, l’œillet est encore associé à la Passion du Christ. Une fleur qui compose, avec toutes les autres plantes présentées dans le cadre de l’exposition, un étonnant « Jardin du paradis ».

  • Exposition jusqu’au 31 août. Du lundi au samedi de 9 h à 19 h et le dimanche de 12 h à 17 h 30.
  • Visites guidées gratuites les 11 et 18 juin à 15 h. Rendez-vous devant l’entrée de la cathédrale.
  • Le livret de l’exposition « Le Jardin du paradis » est en vente à l’accueil, 15 fr.
  • Cultes tous les dimanches à 10 h et 18 h avec cène.

La cathédrale http://lacathedrale.eerv.ch, pasteur André Joly, 078 661 80 80, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. , Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

L’esprit sainf

Rudy Decelière à Saint-François

Pour son deuxième projet, l’association « L’Hospitalité artistique » a demandé à Rudy Decelière de créer une œuvre évoquant un jardin. Une installation sonore et visuelle sera suspendue dans la nef de l’église du 20 juin au 28 septembre. Le visiteur est invité à l’apaisement, à la contemplation et à l’écoute. L’infime bruissement sourd de l’installation évoquera le jardin, l’arbre, les racines et la source. Dans la nef, un film retrace la réalisation de l’œuvre et propose des clés d’interprétations possibles.

  • Avant-première en présence de l’artiste, samedi 14 juin à 13 h.
  • Vernissage, avec une conférence de Jean-Bernard Racine, professeur honoraire à l’Université de Lausanne, et un concert, « Le Jardin suspendu », de Alain Jehan par Benjamin Righetti à l’orgue, jeudi 19 juin à 19 h.
  • Visites guidées en présence de l’artiste jeudi 3 juillet de 19 h 30 à 20 h.

L’esprit sainf http://espritsainf.eerv.ch, pasteur Jean-François Ramelet, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.  

Un voyage spirituel

Tranquillement posés à une table devant un verre d’eau sous l’auvent d’une caravane, les pasteurs de la mission Vie et lumière discutent avec des fidèles. Depuis dimanche, 200 caravanes de gens du voyage de cette congrégation sont arrêtées sur l’hippodrome de Saint-Marcel.

« Nous allons installer le chapiteau au centre du campement, explique le pasteur Caplot. On va pouvoir s’y rassembler le mardi et le jeudi soir. » L’homme…

Samuel Amedro, pasteur au Maroc

 Ce pasteur réformé français préside l’Église évangélique au Maroc, dont les 3 000 à 5 000 membres apprennent à surmonter leurs divisions

« J’ai l’impression de vivre dans un pays qui concentre tous les sujets brûlants du moment, qu’il s’agisse des rapports Nord-Sud, modernité-tradition, des inégalités sociales ou de la rencontre avec les autres Églises chrétiennes ou avec l’islam », s’enthousiasme Samuel Amédro, président de l’Église évangélique au Maroc depuis quatre ans. C’est sans doute parce qu’elle le jugeait capable de relever tous ces défis que l’Église réformée …

Changement climatique : « Mobiliser la finance carbone au profit des éleveurs et pasteurs » (FAO)

« Des centaines de millions de personnes dans le monde dépendent des pâturages pour nourrir leur bétail. Et pourtant, de vastes étendues d’herbages sont dégradées à cause de la mauvaise gestion des terres – un problème environnemental qui a des répercussions directes sur les communautés tributaires de l’élevage », souligne la FAO (1) dans un communiqué du 30 mai.

Pour affronter ces problématiques, la FAO et l’Académie chinoise des sciences agricoles (CAAS), le Centre international pour la recherche en agroforesterie (CIRAF) et le Northwest Institute of Plateau Biology de Chine (NWIPB) travaillent depuis plusieurs années à l’intégration des efforts de restauration des pâturages dans les mécanismes de financement internationaux consacrés au climat.

« La réhabilitation des pâturages dégradés par des pratiques plus durables et la production de fourrage peut considérablement améliorer l’alimentation et la productivité animales au bénéfice des gardiens de troupeaux qui dépendent de l’élevage pour vivre. La restauration des pâturages dégradés permet également de piéger de gros volumes de carbone atmosphérique, contribuant ainsi à atténuer le changement climatique. »

« Pour ce faire, les mesures d’incitation économique sont décisives. Les mécanismes de crédits carbone, qui rémunèrent les projets en échange de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la fixation du carbone, existent bel et bien, offrant en théorie aux agriculteurs la possibilité de gagner de l’argent en adoptant des pratiques d’atténuation du changement climatique. »

« Toutefois, la participation de l’agriculture aux marchés du carbone – y compris ceux concernant les systèmes basés sur le pâturage – a jusqu’à présent été plutôt limitée. Cela s’explique notamment par la difficulté de mesurer la quantité de carbone piégée grâce aux pratiques agricoles améliorées. Ce n’est qu’avec des approches fiables et abordables que les mesures, déclarations et vérifications du carbone fixé peuvent donner accès aux fonds pour le climat. »

« La méthodologie mise au point par la FAO, la CAAS, le CIRAF et le NWIPB tente de remédier à cette problématique. (Elle) permet de mesurer directement la séquestration du carbone sur des pâturages gérés de façon durable par l’échantillonnage du sol ou la modélisation informatique du piégeage basée sur les types de sols et les activités agricoles. Le recours à la modélisation peut sensiblement réduire les coûts des mesures. »

Piéger 3 tonnes de CO2 par hectare de pâturage

« Selon les résultats de l’étude cas menée dans le nord de la Chine, les éleveurs pourraient piéger en moyenne 3 tonnes de CO2 par hectare de pâturage et par an au cours des vingt prochaines années, en recourant à des pratiques améliorées telles que la réduction et la rotation de l’intensité de pâturage sur les sites surchargés, et les semis de pâturages améliorés et de cultures fourragères à proximité des fermes. La nouvelle méthodologie est spécialement conçue pour l’évaluation et la quantification de ces avantages. »

« Maintenant que l’outil a obtenu la certification nécessaire pour être reconnue par les marchés internationaux du carbone, les concepteurs de projets et les agriculteurs peuvent mettre en œuvre des projets de restauration des pâturages à une échelle significative, en améliorant le potentiel de production de leurs terres et en contribuant à inverser les pertes historiques de carbone », indique Henning Steinfeld (FAO), cité dans le communiqué.

« Les recettes des mécanismes de financement carbone et autres fonds d’atténuation peuvent être investies dans la restauration de la santé à long terme des terres dont dépendent les éleveurs et pasteurs, et dans la création d’associations de commercialisation pour améliorer leurs revenus et la sécurité alimentaire des ménages », ajoute M. Steinfeld.

(1) FAO : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

La « Jérusalem chinoise » en péril

L'église de Luofu, quelques kilomètres au nord de Wenzhou.

Enquête. La vieille femme ne décolère pas. Ses filles ont beau tenter de l’apaiser, elle raconte au pasteur W., un petit homme dégarni et taiseux, comment, fin avril, les policiers ont chassé les paroissiens venus protéger leur toute nouvelle église de la démolition forcée. Des pasteurs furent arrêtés, certains ne sont toujours pas relâchés : ceux de la paroisse protestante de Sanjiang, dûment reconnue par l’Etat puisqu’elle appartient à l’Eglise officielle chinoise, encadrée par le Parti communiste, mais aussi d’autres qui étaient venus les soutenir, des pasteurs à domicile comme W., qui a échappé au coup de filet en se cachant dans des hangars tout proches.

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Depuis des années, ses promenades vespérales menaient la paysanne jusqu’au chantier dont elle suivait patiemment la progression, en bordure de la route principale, à quelques centaines de mètres à peine de sa maison. Là où, le soir de notre passage, en mai, des gyrophares signalent un barrage de la police, qui bloquera pendant plusieurs semaines, jour et nuit, les accès au site de l’église, dont le gouvernement provincial a ordonné l’anéantissement. « Ils vont nettoyer jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien », lâche, dépité, le pasteur W. Pendant la Révolution culturelle, note la vieille croyante, « ils ont bien brûlé les bibles. Mais ils n’avaient même pas enlevé la croix ! ». L’église du village, toujours debout mais trop vétuste, avait alors été convertie en atelier de fabrication de nattes.

DES CROIX JUGÉES TROP « VOYANTES » RETIRÉES

Le village de Sanjiang occupe une langue de terre plate et rectangulaire, juste en face de la ville de Wenzhou, là où le fleuve Oujiang s’élargit avant de déverser ses masses d’eau grise dans la mer de Chine orientale, à 350 km au sud de Shanghaï. Sanjiang et ses terres maraîchères, explique la vieille dame, doivent accueillir un quartier d’affaires. Aussi le gouvernement local avait-il encouragé l’édification d’une église digne de ses futurs projets immobiliers : la préfecture de Wenzhou, en incluant les zones rurales, compte au moins 20 % de chrétiens, pour 9 millions d’habitants.

Longtemps délaissée par le pouvoir communiste, Wenzhou, qui a nourri au siècle dernier les diasporas chinoises d’Europe (dont celle de Paris), est, depuis l’ère des réformes, célébrée comme la capitale chinoise de l’entrepreneuriat privé et… du christianisme, dans une connivence fertile qui la désigne à travers la Chine comme la « Jérusalem chinoise ». Sur ces coulées urbaines entre mer, fleuve et montagne, les croix rouges signalent d’innombrables lieux de culte, en majorité protestants : églises blanches et élancées décorées du caractère chinois « aï » (amour), paroisses ventrues de briques couleur grenat ou temples protestants en fausses pierres de taille avec coupole et colonnades. La ville compterait au moins 1 500 églises.

Le chercheur chinois Cao Nanlai a consacré un ouvrage à cette « Jérusalem chinoise » (Constructing China’s Jerusalem, Stanford University Press, 2010) et à sa dynamique sociétale si particulière, avec ses jidutu laoban, ces « patrons chrétiens » aussi persévérants dans la conquête de marchés que la conversion de leurs ouvriers.

A Sanjiang, le budget final avait été de 3,5 millions d’euros. Adossée à une colline, la nouvelle église, après neuf ans de procédures, de collectes et de construction, avait fière allure : un clocher de 60 mètres de haut. Un transept de 30 mètres et une nef longue de 50 mètres, aux flancs ornés de pilastres et d’arches semblables aux cathédrales gothiques d’Europe. Une annexe servait de foyer pour les personnes âgées. La croix fut hissée le 8 août 2013.

Début 2014, lorsque plusieurs démolitions sont signalées dans d’autres villes de la province du Zhejiang, le riche hinterland de Shanghaï où se trouve Wenzhou, peu y prêtent attention. Des croix jugées trop « voyantes » sont retirées de force. Puis, début avril, une église catholique d’un comté rural de Wenzhou est rasée et un temple protestant voit sa croix détruite. Une dizaine d’autres églises reçoivent des ultimatums leur intimant de démolir leurs bâtiments ou leur croix au nom d’une campagne d’embellissement urbain, lancée à travers la province du Zhejiang en 2013, visant les « structures illégales ». Or, notent les chrétiens de Wenzhou, cette campagne ne cible que les églises.

CROIX DÉTRUITES À LA MASSUE PUIS ARRACHÉES PAR DES GRUES

Certaines s’exécutent. D’autres, comme Sanjiang, résistent : « On s’est dit que même en enlevant la croix, cela ne s’arrêterait pas là et donc qu’il fallait résister », dit le pasteur W. A Sanjiang, l’administration de l’église est sûre d’elle : certes, la surface construite dépasse ce qui est autorisé. Mais l’« église modèle » a reçu l’imprimatur du gouvernement local. « Un compromis a été trouvé quand les autorités ont promis de ne détruire que deux étages de l’annexe. Mais ça n’a pas tenu », relate un pasteur évangéliste de Wenzhou souhaitant apparaître sous le nom de « pasteur Paix ».

Le 26 avril, un millier de personnes, beaucoup en provenance d’autres paroisses, viennent prier devant l’église, espérant empêcher toute intervention. Le lendemain, tous ceux qui sont repérés comme ayant le moindre ascendant sur leurs ouailles sont arrêtés : les cadres officiels, bien sûr, mais aussi tous ceux qui animent des églises à domicile – au total, près de quarante personnes. Le pasteur Paix passe une vingtaine d’heures en garde à vue. Le 28 avril, les forces antiémeutes interviennent à 4 heures du matin. A 20 h 30, l’église géante est retournée à la poussière.

En faisant table rase de Sanjiang, nous dit un pasteur de Pékin, observateur des persécutions visant les chrétiens, le gouvernement veut « faire un exemple et montrer que rien ne les arrêtera ». Six autres démolitions d’églises ou de bâtiments attenants ont été répertoriées en mai à Wenzhou. Un temple protestant a même été converti en « auditorium culturel ». Dans les semaines qui suivent, quinze églises de la région de Wenzhou verront leurs croix détruites à la massue puis arrachées par des grues. Selon l’ONG américaine China Aid, depuis le début de l’année, 60 églises du Zhejiang ont fait l’objet soit d’un avis de démolition de leur croix ou de leur bâtiment, soit d’une démolition effective – dont plus de quarante pour la « Jérusalem chinoise ».

A Wenzhou, de mémoire de chrétiens, on n’a jamais vu un tel acharnement depuis la Révolution culturelle. Car, ici, « le gouvernement local et les Eglises ont toujours été en très bonne entente », confie le pasteur Joie, qui fait partie du même réseau évangéliste que le pasteur Paix. Seuls ces responsables des Eglises libres s’expriment, sous couvert d’anonymat, car ils savent leurs églises menacées. Les pasteurs « officiels » ont reçu l’interdiction absolue de s’exprimer. La crainte, désormais, est que l’ire du gouvernement ne se porte sur les « églises à domicile ».

CAMPAGNE ANTI-CHRÉTIENS

Jamais les « Eglises officielles » comme celles de Sanjiang n’avaient été ainsi ciblées. Pourtant, les Eglises chinoises officielles (le Mouvement patriotique des trois autonomies pour les protestants, et l’Association patriotique des catholiques), noyautées par le Parti, sont organisées de façon à « isoler » les chrétiens chinois des influences étrangères. Au prix parfois d’accommodements : ainsi, le Mouvement des trois autonomies réunit toutes les dénominations protestantes en une seule doctrine. Les croyants chinois, certes, savent s’adapter : certains fréquentent aussi bien les lieux de culte officiels que les paroisses libres. Quant aux religieux, ils composent – comme ces évêques officiels qui obtiennent la bénédiction secrète du Vatican. En réalité, l’Eglise patriotique, catholique comme protestante, a été incitée par les autorités à absorber autant qu’elle le peut l’explosion de la chrétienté en Chine : car aux 24 millions de protestants et 6 millions de catholiques « officiels » s’ajoutent plusieurs dizaines de millions de chrétiens « clandestins ».

Nos interlocuteurs ne reprochent rien aux autorités de Wenzhou : l’ordre, dit l’un, vient du chef du Parti de la province du Zhejiang, Xia Baolong. « Cela provient de plus haut, Wenzhou est une zone test pour une offensive généralisée contre l’influence des chrétiens », soutient avec véhémence un autre pasteur citant des sources internes. Xia Baolong a été l’adjoint de Xi Jinping de 2003 à 2007, quand le futur président était chef du Parti du Zhejiang… Cela l’aurait-il incité au zèle ?

Chantre de la grande renaissance chinoise, le président Xi Jinping incarne un patriotisme sans complexe, où néomaoïsme et néoconfucianisme font bon ménage tant qu’ils contribuent à assurer la suprématie du Parti et son héritage sacré. « Le nombre de chrétiens a tellement augmenté qu’on dit qu’il dépasse celui des membres du Parti . Donc, cela leur fait peur, rappelle Joie. Et puis les chrétiens continuent d’avoir une image négative en Chine, il y a une tradition de persécution, tout cela a joué un rôle. »

Pour le pasteur de Pékin, cette campagne anti-chrétiens qui ne dit pas son nom participe de la volonté affichée de la nouvelle équipe dirigeante de promouvoir les traditions culturelles chinoises, comme le confucianisme et le bouddhisme : ce n’est pas un hasard si les médias officiels chinois ont consacré une large place à la visite, en février, de Xi Jinping au lieu de naissance de Confucius.

Selon l’agence Xinhua, le président chinois a alors appelé de ses voeux la propagation d’une « doctrine morale » à travers le pays, fondée sur les « valeurs socialistes fondamentales », dont « la mise en oeuvre a pour racine la culture chinoise traditionnelle ». Entre eux, confie le pasteur Joie, les membres du Parti utilisent souvent l’expression péjorative yang jiao : elle désigne « les croyances des Occidentaux ».

Gruissan. Les évangélistes disent s’installer pour une semaine à Mateille

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Une cinquantaine de caravanes dont les propriétaires pensent rester jusqu'à dimanche. /photo DDM,JMG

Une cinquantaine de caravanes dont les propriétaires pensent rester jusqu’à dimanche. /photo DDM,JMG

Une cinquantaine de caravanes d’évangélistes se sont installées sur la zone de caravaning de Mateille, à Gruissan, dimanche;

Quelque 150 personnes se revendiquant de Vie et Lumière, AGP, dont 5 pasteurs ont donc stationné leurs véhicules sur ce terrain réservé par la municipalité de Gruissan au caravaning. «Le terrain de Lapalme, qu’on nous propose à 38 kilomètres de Narbonne est trop petit. Et de plus il y a les prostituées qui vont faire leurs affaires à proximité, on retrouve des préservatifs usagés» explique l’un de nos interlocuteurs, qui se présente comme pasteur évangéliste. Les personnes de ce campement, que nous avons rencontrées, qui n’ont pas voulu décliner leur identité rajoutent que «Le lieu de Lapalme n’est pas agréé comme lieu de mission». Car c’est officiellement une mission d’évangélisation qui explique l’installation de ces personnes en caravanes à proximité de Gruissan : «Nous prenons la direction de Bayonne, et sur le chemin nous allons au-devant des populations pour porter la parole de Dieu. Nous allons dresser un chapiteau ce mardi, pour y célébrer des messes.» Les représentants du groupe que nous avons rencontrés, se disaient prêts à participer aux frais d’eau et d’électricité. «Dimanche, à 14 heures, nous repartons» ajoute l’un d’entre eux. Ce lundi matin, ils ont été reçus par le Directeur général des Services de la ville de Gruissan. Mais apparemment, aucun accord n’a été trouvé. Pour le maire de Gruissan, Didier Codorniou, il n’y a pas eu d’accord possible, ni sur le fond, ni sur la forme : «Ils sont arrivés massivement, ont déplacé les rochers qui interdisaient l’entrée, cassé le portique, se sont branchés de façon dangeureuse sur le compteur électrique. À partir de mercredi, nous devions ouvrir le parking caravaning, et trois personnes devaient y travailler» ajoute le maire de Gruissan; «Il y a des risques sanitaires aussi, car ce lieu est à proximité d’un étang classé.»

La ville de Gruissan a déposé un référé demandant l’expulsion, en rappelant que l’Aire de Lapalme a été labellisée par les services de l’Etat.

Rome : Le pape invite à une confrontation franche entre fidèles et pasteurs

Rome, 18 mai 2014 (Apic) Face aux désaccords qui peuvent naître parfois au sein des communautés ecclésiales, le pape François a demandé une «confrontation franche» entre pasteurs et fidèles pour les résoudre. A l’occasion de la prière du Regina Caeli, le 18 mai 2014, devant la foule réunie place Saint-Pierre, le souverain pontife a également invité à prier pour les victimes des graves inondations qui ont frappé les Balkans au cours des jours derniers, faisant au moins 30 morts.

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La «Résistance spirituelle» en Haute-Savoie durant la Seconde Guerre mondiale

Henry Mottu

Henry Mottu, théologien protestant, raconte les heures sombres de la Seconde Guerre mondiale et de l’Occupation en Haute-Savoie, où prêtres et pasteurs collaborèrent pour secourir leurs prochains

On connaît l’histoire des passages clandestins à travers la frontière suisse. Mais ne devrait-on pas plutôt parler de chemins de passages, d’échanges, de solidarité? Il y eut beaucoup plus de connivences, au travers même des barbelés, que de barrières étanches. Et beaucoup plus d’ecclésiastiques catholiques qu’on ne l’a dit, prêts à prendre tous les risques pour sauver les juifs pourchassés: les Pères Rosay de Douvaine, Jolivet à Collonges, Louis Favre du Juvénat de Ville-la-Grand, torturé et fusillé près d’Annecy, Gaston Desclouds à Thônex, et d’autres.

L’historienne Corinne Bonafoux a compté 21 curés de Haute-Savoie, dont une femme, qui ont reçu la médaille des Justes parmi les nations. Sans parler des pasteurs Roland de Pury à Lyon, Paul Chapal à Annecy, Jeanne Bach, femme du pasteur, à Annemasse, Charles Westphal à Grenoble, pour ne citer que quelques noms.

Les spécialistes ont pu retrouver les filières d’évasion, anciennes ou nouvelles, allant des camps d’internement du sud de la France à Genève et la Suisse, en passant par le Chambon-sur-Lignon, grâce à l’action du pasteur André Trocmé et de sa femme Magda. Genève, terre d’asile!

En ces temps de résistance spirituelle, on vit pendant cette guerre se renforcer un œcuménisme de l’action. On ne sait pas assez, dans le public, que le mouvement œcuménique moderne est parti en fait de l’esprit de solidarité né entre prêtres et pasteurs durant la guerre, dans le but de secourir autrui. Tandis que le pasteur Visser’t Hooft à Genève servait de plaque tournante avec le «Conseil œcuménique en formation», Roland de Pury et le Père Chaillet fondaient ensemble, en novembre 1941, les Cahiers du témoignage chrétien . Or, cette revue clandestine devait d’abord s’appeler Témoignage catholique ; l’on changea de titre au dernier moment! De grandes voix se firent entendre durant ces années de guerre.

Ainsi l’abbé Journet, «l’inspirateur de la résistance spirituelle en Suisse romande», selon Renata Latala, doctorante à Fribourg, s’élevait à la fin de 1939 déjà, dans sa revue Nova et Vetera , contre une «neutralité» morale face à l’injustice: «Suivant le droit chrétien, nulle nation ne saurait se constituer en monde clos, ni exister pour elle seule. Chaque nation, grande ou petite, doit être ouverte sur le monde; elle doit collaborer avec les autres.» Karl Barth, pour sa part, fustigeait, dans une conférence de l’été 1941, la censure, la collaboration économique avec l’Allemagne, le refoulement des juifs et opposants politiques: «Au nom de Dieu tout puissant. Parce que ces mots se trouvent dans la Constitution, nous posons la question: quelle est la portée de la manière dont nous traitons les étrangers qui se trouvent sur notre territoire? […] Aux XVIIIe et XIXe siècles, la politique suisse relative aux émigrés était généreuse et prévoyante. Même en tenant compte des difficultés actuelles, on ne saurait nommer notre politique ni généreuse, ni prévoyante sur ce point. Que voulons-nous? Céder ou résister?»