C’est une exception française vieille de près de 100 ans qui pourrait être remise en cause. Le Conseil constitutionnel se prononce vendredi sur la rémunération par l’Etat des pasteurs, prêtres et rabbins en Alsace-Moselle. Les Sages devront en effet trancher sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), soulevée par une association laïque, qui demande précisément si le fait que les pasteurs protestants soient payés par l’Etat sur ce territoire est conforme à la Loi fondamentale. Plus généralement, c’est l’ensemble des cultes reconnus par le régime local (catholique, luthérien, réformé et israélite) qui sont visés.
Un coût de 58 millions d’euros
La loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat a en effet été introduite alors que l’Alsace-Moselle faisait partie de l’empire allemand. Quand celle-ci est revenue à la France après la guerre de 14-18, elle a conservé le régime dit “concordataire”, datant de l’époque napoléonienne. Les près de 1 400 ministres du culte (1 059 prêtres, 306 pasteurs et 28 rabbins) du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle sont donc toujours rémunérés par l’Etat (sur la base du salaire des professeurs des écoles), pour un coût de 58 millions d’euros selon le budget 2013. Maître Jean-François Amedro, représentant de l’Association pour la promotion et l’expansion de la laïcité, s’était interrogé lors d’une audience publique au Conseil constitutionnel : “Quel est l’intérêt général justifiant la rémunération d’un curé ou d’un pasteur pour diriger une messe ?”. “La neutralité de l’Etat exclut toute forme de soutien religieux”, avait-il fait valoir.
Dans l’attente de la décision, sans appel, des Sages, on se dit “relativement serein au sein de l’Union des Eglises protestantes d’Alsace et de Lorraine, qui a reçu le soutien des instances catholiques et juives. “En Alsace-Moselle, il y a une particularité due à une histoire de la laïcité, explique à Metro son vice-président Christian Krieger. Le Conseil constitutionnel n’ayant jamais jugé cette situation anormale dans ses précédents avis, nous le voyons difficilement la remettre en cause aujourd’hui”. La fin du régime concordataire “serait un profond traumatisme dans la région, où les élus de droite comme de gauche sont très attachés au droit local”, prévient-il. Tout le monde sera fixé vendredi.